Appartient au dossier : Publics de l’action culturelle

Se distraire à la bibliothèque
Agnès Camus-Vigué, novembre 2011

Se distraire à la bibliothèque. Enquête sur l’exposition Presse-citron

Première manifestation présentée, non pas dans un lieu ad hoc, mais au sein même de l’espace presse de la Bpi réaménagé pour l’occasion, l’exposition Presse-citron a constitué, pour les usagers de la bibliothèque, un évènement au sens où l’entend Paul Ricoeur : un temps où « quelque chose arrive, éclate, déchire un ordre déjà établi ». 

Image exposition Presse-Citron

S’il s’agissait, pour l’Ecole Estienne, partenaire de la manifestation, d’exposer les meilleurs dessins de presse issus du concours national Presse-citron, pour la Bpi l’enjeu était double : réaffirmer sa mission d’actualité au travers de la thématique du dessin de presse, mais aussi tester un dispositif incitant les usagers à diversifier leurs activités au sein même de la bibliothèque, considérée dès lors, non plus comme un simple espace d’études, mais aussi comme un lieu de divertissements et de découvertes.

L’irruption du nouveau, précise Paul Ricoeur, appelle inévitablement, « une demande de sens ». L’enquête, menée par observations et entretiens s’est centrée sur ce deuxième temps de l’évènement, du point de vue des visiteurs de l’exposition et des publics habitués de la bibliothèque. Les usagers ont-ils perçu la nouveauté de cette offre ? Comment s’en sont-ils emparés ? On constate tout d’abord qu’ils l’ont, pour la plupart, découvert sur le mode de la surprise, ce qui était notamment lié aux caractéristiques du dispositif technique. Les entretiens montrent cependant que la manifestation a rencontré certaines attentes des usagers et que cette rencontre passait par les deux catégories anthropologiques qui structurent, pour chacun, l’expérience du monde : l’espace et le temps. Pour ceux qui se représentent la bibliothèque comme un lieu d’ancrage, l’exposition a parfois été vécue comme une intrusion dans un espace qu’ils se sont approprié.

D’autres usagers, plus ouverts à la nouveauté, l’ont saisie comme une opportunité pour explorer un univers mal connu. Quant au temps consacré à la bibliothèque, il demeure avant tout celui de l’étude, principal motif de la venue à la Bpi, et la visite de l’exposition – si elle se réalise – se loge dans un moment de pause. En ce cas, le temps passé dans l’exposition est alors vécu comme un gain supplémentaire, un enrichissement.Presse-citron, pour la Bpi l’enjeu était double : réaffirmer sa mission d’actualité au travers de la thématique du dessin de presse, mais aussi tester un dispositif incitant les usagers à diversifier leurs activités au sein même de la bibliothèque, considérée dès lors, non plus comme un simple espace d’études, mais aussi comme un lieu de divertissements et de découvertes.


En un clin d’œil

Objectif de l’étude

  • Évaluer les conditions de réception de l’exposition Presse-citron, première exposition présentée non pas dans un lieu dédié aux expositions (coursive, Galerie Rambuteau) mais dans les espaces de lecture. Les usagers ont-ils perçu cette offre nouvelle et s’en sont-ils emparés ?

Méthodologie

  • Enquête par observations et entretiens semi-directifs

Principaux résultats

  • Les usagers, pour la plupart, ont découvert l’exposition sur le mode de la surprise. Ce qui est sans doute lié aux caractéristiques du dispositif technique. Les dessins de presse étaient présentés sur des tables de bibliothèque accolées les unes aux autres et garnies de panneaux de plexiglas. En outre, la signalétique était volontairement discrète, les concepteurs souhaitant encourager la spontanéité et ne pas fournir des codes de lecture au public. Or, dans un environnement connu, les personnes ont tendance à réduire leur champ de perception, prélevant les informations en lien direct avec leurs activités – d’autant que l’environnement de la bibliothèque est saturé de signes.
  • Les entretiens nous apprennent qu’une rencontre a eu lieu entre l’offre faite par la bibliothèque et certaines attentes des usagers. Une rencontre qui passe par deux catégories anthropologiques qui structurent, pour chacun, l’expérience du monde : l’espace et le temps. Pour ceux qui se représentent la bibliothèque comme un lieu d’ancrage, un territoire du moi, l’exposition est parfois vécue sur le mode de l’intrusion dans un espace qu’ils se sont appropriés. Pour d’autres usagers, plus ouverts à la nouveauté, la proposition peut être immédiatement saisie et les personnes s’engagent alors dans la découverte d’un univers qui est parfois mal connu. Quant au temps consacré à la bibliothèque, il demeure avant tout celui de l’étude, principal motif de la visite, et la circulation dans l’exposition se loge dans cette temporalité, au moment de la pause. Le temps passé dans l’exposition est alors vécu comme un gain, un enrichissement.
  • L’objet de l’exposition – les dessins de presse – qui entre en résonance avec la mission d’actualité de la Bpi, suscite un intérêt chez les visiteurs. Le regard porté sur l’actualité, le graphisme incisif, ces éléments ont séduit, fait rire et donné à chacun l’occasion de passer un moment agréable tout en s’initiant à une forme d’expression classique dans la presse mais avec laquelle le public de la Bpi n’est pas forcément familier.
  • L’enquête montre également que le public aurait besoin d’être informé pour se saisir de l’offre qui lui est faite – rappelons que beaucoup ont découvert l’exposition par hasard et que d’autre part, pour certains, une manifestation culturelle peut être perçue comme une perturbation. Cet effet sera atténué si l’évènement et le calendrier prévu sont annoncés. Enfin, une médiation sur place pourrait suggérer aux usagers les bénéfices culturels qu’ils peuvent escompter de la manifestation.

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Publié le 30/09/2014

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