Danemark: à la découverte de DOKK1, la « médiathèque » d’Aarhus par Delphine Quéreux-Sbaï (Bibliothèques de Reims) avec la collaboration d'Annie Dourlent (Bpi)
DOKK1, c’est d’abord un bâtiment spectaculaire qui est déjà devenu une icône de la ville d’Aarhus, au coeur d’un projet de rénovation urbaine. Pensée avec les citoyens, c’est une bibliothèque qui ne dit pas son nom même si on y trouve encore beaucoup de collections physiques, mais ce sont aussi des ressources numériques, des services aux citoyens, des espaces utilisés par de nombreux partenaires institutionnels ou associatifs, des espaces de jeux…sans oublier le café-restaurant….
Ouverte en juin 2015, la bibliothèque – ou plutôt DOKK1, est construite sur les docks, au bord de l’eau. Elle fait 18 000 m², sur 2 niveaux seulement, posés au-dessus d’un parking automatique pour 1000 voitures. La construction de la bibliothèque (9 énormes pieux en béton plantés dans l’eau et couverts d’un toit) a été l’occasion d’agrandir la ville sur l’eau. Les travaux ont permis une requalification urbaine, avec la construction d’une voie ferrée, et protègeront la ville des risques d’inondation liés au changement climatique (travaux nécessaires pour la commune dans tous les cas). Le chantier a coûté 300 millions d’euros, dont un petit tiers vient d’une fondation (Realdania, qui soutient des projets de développement de bâtiments modernes), un gros tiers de la ville et le dernier tiers de divers financements dont le produit de la vente de l’ancien bâtiment. Il s’agit donc bien, au-delà de la construction d’une bibliothèque ou d’un « mediaspace », d’un projet de planification urbaine (voir la présentation du projet : http://www.urbanmediaspace.dk/en )
Le bâtiment représente 3 fois plus d’espaces que les locaux quittés, la section « jeunesse » (enfants et familles) a été multipliée par cinq. Globalement le bâtiment offre beaucoup plus d’équipements technologiques et d’activités d’enseignement.
Les étapes du projet : un long cheminement
1998 : démarrage à partir de l’analyse du besoin d’une nouvelle bibliothèque centrale.
2003 : premiers financements municipaux. Le projet s’appelle alors « multimedia house » plutôt que « library », car c’est moins « ennuyeux et poussiéreux » pour les élus comme pour la communauté économique.
2004 : choix du lieu.
2009 : le concours d’architecte a désigné le cabinet SHL et la paysagiste Kirstin Jensens.
2011 : le 1er étage est achevé.
Juin 2015 : ouverture du bâtiment ot au public.
Le programme
La programmation a été travaillée en définissant les valeurs fondamentales de l’équipement, mais aussi la circulation des personnes, pour concevoir un cheminement à l’intérieur du bâtiment. L’équipe avait conscience qu’en construisant cet équipement, la conception même de la bibliothèque devait évoluer. Elle n’a trouvé aucun modèle totalement satisfaisant, même à l’étranger, car le numérique notamment rendait tout obsolète, mais elle est partie du concept anglais de « mash-up library », mêlant de nombreux services différents, avec la nécessité d’y introduire les activités de partenaires, les bibliothécaires étant là pour être des facilitateurs, sans être eux-mêmes responsables de tous les services offerts, même s’ils renseignent et font de la médiation sur ces services.
L’équipe de la bibliothèque a travaillé son projet en variant les méthodes : focus groups, phototyping (en gardant ce qui fonctionnait dans l’ancienne bibliothèque), atelier bricolage pour enfants « construire sa bibliothèque » (concours auquel même l’architecte a dû participer). Certaines idées viennent des étudiants, d’autres de personnes âgées, d’usagers ou de non usagers. Il y eu au total 10 groupes d’utilisateurs. La méthode du « design thinking » a été appliquée, en collaboration avec la bibliothèque de Chicago.
Enfin, sponsors et partenaires ont été activement recherchés et sollicités, dans l’idée d’une fidélisation et d’un travail à long terme.
Quelle offre de services à DOKK1 ? Et qui les propose ?
DOKK1 intègre des « citizens’ services », service d’aide aux citoyens pour toutes leurs démarches administratives : en effet, de nos jours, demander un passeport ou choisir un contrat d’assurance se fait par Internet, et la bibliothèque, qui propose depuis longtemps déjà l’accès à Internet et accompagne la population dans l’appropriation de cet outil, est un lieu logique pour aider les gens à le faire. A noter qu’il s’agit d’une évolution générale pour les bibliothèques danoises.
Les partenariats sont très développés : beaucoup d’activités sont menées par des partenaires, soit au long cours, soit dans le cadre de partenariats plus courts et occasionnels. L’équipe, qui est très sollicitée par différents groupes, associations, institutions, «garde la main» pour accepter le partenariat et en définir les contours ; et aucune activité à caractère commercial n’est acceptée. Le projet a permis d’intégrer beaucoup de fonctions mais certaines propositions, notamment commerciales, sont refusées. Le programme d’action culturelle est très copieux, mais la plupart des animations viennent des partenaires, qui apportent savoirs, réseaux, idées, etc. Les espaces sont donc beaucoup mis disposition (et si la proposition est intéressante, un bibliothécaire y assiste) mais l’équipe a aussi appris à dire non, notamment lorsque des moyens humains ou en espaces manquent ; en outre, elle ne veut pas d’une totale autogestion des espaces, car il faut éviter une forme de privatisation par certains usagers et veiller à maintenir la diversité.
C’est aussi une nouvelle culture basée sur la participation du public.C’est aussi une nouvelle culture basée sur la participation du public.
Les espaces sont définis selon 4 types: inspiration room / learning room / meeting space / performative room (makerspace, fablab, etc. où vous faites et où vous partagez). Sur ce dernier point, il y avait déjà une expérience dans l’ancienne bibliothèque, avec des étudiants volontaires (la bibliothèque se chargeant de créer une plateforme pour collecter et exposer les data produites pas les jeunes qui participent aux ateliers de codage : la bibliothèque les nourrit et les aide pendant ce week-end de compétition).
L’équipe a appris à construire des partenariats, à libérer la bibliothèque du poids de l’analogique (y compris livre physique), à penser « relation » plutôt que « transaction », et elle souhaite surtout que les usagers vivent des expériences, notamment des expériences culturelles, qu’ils rencontrent des gens, qu’ils s’amusent et qu’ils apprennent de manière formelle mais aussi informelle – avec une conception très libre de l’apprentissage.
En octobre 2015, 4 mois après son ouverture, DOKK1 a fêté son 500 000ème visiteur et accueille 4500 personnes par jour, 7 jours sur 7. 6% des fréquentants sont des utilisateurs des citizens’ services et on enregistre chaque jour 400 demandes d’informations au guichet d’accueil.
Privilégier l’ouverture la plus large possible
DOKK1 est ouverte de 8h à 22h, mais le personnel n’est présent que de 10h à 19h (dans de proportions plus ou moins grandes, ce principe est appliqué dans toutes les bibliothèques danoises), et le dimanche de 10h à 16h. Quand il n’y a pas de personnel, n’est présent qu’un « gardien » (agent de sécurité) en cas de nécessité, par exemple pour évacuer. Il y a des caméras partout, mais elles ne sont pas regardées, sauf a posteriori si il y a eu un problème. Dans d’autres bibliothèques danoises (mais pas ici), la bibliothèque est toujours accessible grâce à la carte de lecteur, qui permet d’entrer, et de se servir. Pas de vols, sinon de manière très ponctuelle et peu importante, et cela n’est pas considéré comme un problème. On part du principe que si on se comporte en « gardiens », on est perçu comme tel et que le public réagit (mal) en conséquence. Ce principe de fonctionnement a été appliqué dans toutes les bibliothèques du réseau d’Aarhus mais il a du être abandonné dans deux bibliothèques de quartier où cela posait trop de problèmes…Aarhus n’est pas tout à fait le « pays des bisounours »…
À la découverte des espaces de DOKK1
Premier équipement du projet de rénovation urbaine, DOKK1 se voit de loin et constitue un véritable point d’attraction. On peut accéder au bâtiment en voiture, en utilisant le parking situé dans le socle (et des escalators amènent alors directement dans le hall d’accueil). A pied, l’entrée se fait en haut d’une volée de marches assez imposante…A terme, un tramway desservira ce nouveau quartier qui est encore en construction. (photo 1 The building / escalator / escalier extérieur)et constitue un véritable point d’attraction. On peut accéder au bâtiment en voiture, en utilisant le parking situé dans le socle (et des escalators amènent alors directement dans le hall d’accueil).
Le bâtiment est très grand, et dégage une impression d’espace, de lumière, de visibilité, avec de nombreuses trouées vers l’extérieur, qui permettent d’apercevoir les 4 aires de jeux en terrasse, dédiées chacun à un « univers » lié aux 4 points cardinaux, par exemple vers l’est l’évocation de l’Asie, avec un dragon…La visibilité vers l’extérieur aide aussi à se repérer dans le bâtiment.
Tous les poteaux du bâtiment servent pour la signalétique, peinte ou sur écrans, cette dernière forme étant largement privilégiée. Pas question ici de signalétique pendant du plafond, « pour ne pas ressembler à un aéroport ».
Les espaces ont des hauteurs sous plafond différentes, pour différencier des ambiances plus ou moins sonores, en fonction des besoins et en liaison avec le type d’activités.
Enfin, les différents espaces sont signalés par des potelets portant des numéros et des noms, liés non pas à leur fonction – qui pourra varier dans le temps , mais par rapport à des éléments visibles et objectifs et repérables (rampe, coin spécifique etc.) pour que les gens les reconnaissent comme tels. Un petit guide de visite est proposé, qui permet de découvrir le bâtiment en suivant le circuit des numéros.
Au premier niveau :
Le premier niveau est celui des collections pour adultes, mais aussi de bien d’autres services.
A droite de l’entrée, les « services aux citoyens », qui fonctionnent avec des horaires différents de la bibliothèque. En face de l’entrée, la banque d’accueil, très visible, surmontée de beaux luminaires cuivrés. Pas d’opération de prêt-retour ici, uniquement de l’information et de l’orientation : DOKK1 est équipée de la technologie RFID et les prêts-retours passent uniquement par des automates. Lors de la visite, nous n’avons pas observé beaucoup de transactions… En face de l’entrée, la banque d’accueil, très visible, surmontée de beaux luminaires cuivrés. Pas d’opération de prêt-retour ici, uniquement de l’information et de l’orientation : DOKK1 est équipée de la technologie RFID et les prêts-retours passent uniquement par des automates. Lors de la visite, nous n’avons pas observé beaucoup de transactions…
Un peu plus loin, en direction du café, des modules à disposition des partenaires : chaque module comprend un grand meuble avec écran pour présenter ses activités et une partie pour déposer des flyers. Aucune activité commerciale ne peut être présentée et l’équipe choisit à qui ces modules peuvent être accordés.
Dans la même zone, 3 salles de réunion, utilisées par le personnel, par les usagers ou par des partenaires. Quand elles ne sont pas utilisées pour des réunions, elles sont en accès libre, tout comme les deux auditoriums (non gradinés) : un petit, dit « black box », qui peut être utilisé dans n’importe quel sens, et qui pour cela est doté d’un matériel et d’éclairage varié et important, et un grand, pour 260 personnes, où l’acoustique a été particulièrement soignée, ce qui permet même d’y donner des concerts. Le mur du fond est coulissant, pour une éventuelle ouverture sur le café. Dans la zone d’accès à ces salles, est tendu au plafond un tissu lumineux à leds développé par Philips et une société textile. DOKK1 s’affirme ainsi comme un lieu d’innovation…
Ces salles sont très bien dotées en matériel scénique, grâce à la participation de nombreux sponsors. Mais l’installation technique reste simple, pour être utilisable par tous, et si le partenaire qui utilise l’auditorium a besoin de plus, il loue et installe lui-même le matériel complémentaire. Seuls les auditoriums sont à louer, tout en étant prêtés gratuitement aux associations.
Le café est vaste, chaleureux, avec un design soigné, car « c’est ce qui fait que les gens restent plus longtemps ». Des tables rondes, mais aussi de grandes tables qui invitent à la rencontre…
A noter que le public peut boire et manger partout dans la bibliothèque.
Directement à côté du café, sans séparation, des présentoirs à presse, qui se prolongent jusque dans un espace « cosy », le « living room », proposant fauteuils et divans et tables basses…mais les usagers réclament des tables, et cela ne semble donc pas fonctionner très bien. Espace à repenser.
Vient ensuite l’espace où sont disponibles les réservations, qui sont en accès direct.
Sur une aile du bâtiment se déploient les collections de musique, disques mais aussi partitions. On y trouve un des postes de renseignement (type « assis debout »).
Sur un côté de toutes petites salles (carrels) pour le travail en groupe. La réservation de l’espace se fait simplement, en « libre service », sur une feuille de planning collée sur la porte où on inscrit son nom, pour 2h maximum. Ces carrels sont très appréciés et tout le temps utilisés.
Au bout du bâtiment, l’ espace « The Corner » est utilisée pour différentes activités portées par des extérieurs : ce jour-là des généalogistes.
On trouve ensuite les documentaires adultes, avant de revenir vers l’entrée, et l’espace où sont proposées les collections de fiction pour adultes. Un espace ouvert avec des tables est à disposition, à côté duquel un tableau noir est consacré à la « libre expression » : on y trouve ce jour là des « conseils de films pour temps pluvieux » En façade du bâtiment, avec de belles vues sur la ville, existent plusieurs salles de réunion, utilisées par le personnel comme par les usagers, et il existe aussi une (petite) salle de travail en silence
Le mobilier est organisé par petites unités, pour permettre différentes ambiances. Mais les gens peuvent les bouger et les réorganiser, et les déplacent parfois loin. Les espaces sont conçus comme délibérément polyvalents, pour permettre des changements d’usage, à terme, en fonction de l’évolution des besoins. Et tout le mobilier a été testé par les usagers avant achat.
Le 1% culturel était en train d’être installé : un hub de gros fils et des sortes de silhouettes d’immeubles accrochées au plafond du parking souterrain, mais visibles de l’intérieur par des baies vitrées. Il faut dire quelques mots de ce parking souterrain, qui n’est pas réservé à la seule bibliothèque mais destiné au quartier de manière plus générale, avec cependant un accès direct, par escalator, du parking vers la bibliothèque. Il est entièrement automatisé…et nous avons vu un conducteur confier sa bibliothèque au robot chargé de l’emmener vers les étages inférieurs et garer sa voiture dans le parking. Impressionnant !
Du premier au deuxième niveau, « la rampe »
Un vaste espace très ouvert dégagé part de la gauche de l’entrée, et de la zone des fictions adultes, « la rampe », en larges gradins spacieux. C’est un espace polyvalent, plus bruyant, qui permet aussi d’y organiser des animations. Il a été proposé par l’architecte et fait le lien avec l’étage (en plus des 3 ascenseurs). La lumière naturelle y est abondante et on y perçoit tout l’espace de ce côté de Dokk1. Cette rampe comporte 5 paliers :
– un espace détente avec grands canapés
– un maker space (avec matériel de petit bricolage)
– un espace avec jeux de plateaux sur un chariot
– un espace où est présentée une petite expo
– enfin, un espace « meeting café » avec des tables hautes.
Le jour de notre visite, les cinq paliers sont utilisés, sans lien avec leur but officiel, par des étudiants qui travaillent sur leur ordinateur portable.
En débouchant à l’étage, qui est un immense espace pour la famille et les enfants, on tombe sur une longue vue pour admirer le port et la mer, et un gong, grand tube suspendu au plafond…qui est relié à la maternité de la ville, et retentit 10 à 11 fois par jour…lorsqu’un enfant naît à Aarhus ! Une très jolie idée pour marquer la connexion entre Dokk1 et la cité, la « communauté » au sens anglo-saxon du terme (la communauté des habitants et non un « groupe communautaire »)
L’étage et les espaces pour les jeunes, des plus petits aux adolescents
Certains espaces sont organisés par âge, d’autres sont plutôt organisés par rapport à une pratique et donc plus mélangés en termes d’âge. Il y a beaucoup de monde (période de vacances scolaires) et c’est très bruyant. Le bruit n’est pas un problème pour la collègue danoise qui nous accompagne : le fait que les enfants jouent et fassent du bruit librement est clairement revendiqué, on cherche à ce qu’ils apprennent, s’amusent, expérimentent, sans hiérarchie entre ces différentes activités et sans nécessairement privilégier l’activité de lecture. Les enfants courent et sautent partout. Rien n’est fait dans l’architecture pour atténuer ce bruit. Le livre et les autres documents sont rejetés à la périphérie des espaces, où ils ne sont guère touchés. Beaucoup de canapés confortables pour les parents, où les adultes se posent et papotent tandis que les enfants jouent. Beaucoup d’activités manuelles, sans lien nécessaire avec la littérature jeunesse. En plus des ateliers, une petite serre, en cours d’aménagement.
Un espace pour les 0-3 ans, véritable aire de jeux pour tout-petits, avec des tobbogans, des couleurs claires et dans 2 petits bacs à albums, sur le côté, quelques livres. Au-dessus, un autre espace de jeux pour les plus grands et entre les deux une rampe où des enfants font de la petite voiture. Des legos, des enfants qui goûtent. En haut de la rampe, un espace avec des étagères, mais les collections nous semblent vraiment peu nombreuses.
Un espace fermé pour permettre aux femmes qui le souhaitent d’allaiter en s’isolant, un autre pour le goûter des scolaires et groupes.
Une salle fermée avec espace pour se défouler en jouant au ping-pong, babyfoot, etc. A côté, couloir de jeux vidéo : au sol (foot), sur console TV (canapés), sur arcades.
Beaucoup de jeux et de jouets partout, les collections « documentaires » sont noyées dans tout ça et pas du tout mises en valeur mais pour notre « guide », si on n’a pas de jeux, on n’aura pas de public du tout !
Un petit brin de nostalgie avec un espace scénographié pour la présentation des classiques de la littérature jeunesse « quand nos parents étaient des enfants » avec mobilier d’époque, vieille TV, vieux magnéto. De certains de ces espaces, on voit les bureaux du personnel en openspace. À certains endroits, ils ont rajouté des éléments pour masquer cette transparence.
Dernier espace public, le Tweens area, pour les 9-12 ans, avec un espace spécial et un atelier dédié à cette tranche d’âge (pour activités de programmation, robotique, etc.) car c’est un âge spécial. C’est super pour les enfants qui n’aiment pas le foot, disent les parents ! Mais la bibliothèque constate que s’il n’est pas animé, si il n’y a pas de proposition faite aux jeunes, cet espace est vide ou occupé par des étudiants ou adultes. Il faut dire que l’espace n’est pas très facile, face aux ascenseurs, en cœur de plateau et loin des fenêtres.
Les espaces internes, le personnel, et les modalités de fonctionnement
Après cette traversée des espaces jeunesse, les espaces de bureaux pour le personnel sont incroyablement calmes. Presque vides, avec des espaces de pause ou des espaces de réunion ouverts, des corbeilles de fruits et une vue sur les espaces publics. Pas de problème lié à l’openspace car peu d’agents y travaillent en même temps. Notre guide trouve qu’il est difficile de quitter le lieu car la vie s’y poursuit tout le temps : « le bâtiment ne dit pas de partir »…
Sur les 60 personnes qui travaillent à temps plein à DOKK1, la moitié sont tournées vers le public. DOKK1 ouvre avec 6 agents (2 au RdC et 4 à l’étage), et beaucoup de vacataires étudiants pour le rangement comme le renseignement. Ce n’est pas forcément les bibliothécaires qui renseignent, mais des gens qui savent.
Le personnel travaille 37h/semaine, avec 6 semaines de vacances. Les agents peuvent se rencontrer et travailler ensemble de 8 à 10h, avant de partir en service public. Tout le monde fait du service public la majeure partie de son temps de travail. DOKK1 fait partie du réseau d’achat national et a délégué la sélection des acquisitions (sur profil) et le catalogage à ce réseau, qui centralise 90% des achats dans les bibliothèques danoises (certaines bibliothèques assurant les sélections et le catalogage, étant rémunérées pour cela). Par contre, l’équipement RFID est posé localement, tout au moins à Aarhus.
A noter :
DOKK1 a été ouverte avec les collections de l’ancienne bibliothèque, sans achats supplémentaires. Les collections sont partagées avec les 18 annexes, peuvent être empruntées et rendues dans n’importe quel point du réseau, et les fonds sont flottants. De ce fait, on ne peut nous dire exactement le volume des collections proposées à DOKK1. Le PEB est utilisé dans le cadre d’un système national transparent pour le lecteur, qui peut faire venir n’importe quel document de n’importe quelle bibliothèque (transport par camions).
La mise en place des partenariats occupe une partie importante du temps de travail.
Il y a un grand décalage entre les moyens qu’ils ont eu pour construire le bâtiment et les moyens pour le faire fonctionner : seulement 25 000 € de budget pour l’action culturelle. Mais pour notre guide, ce n’est pas important, l’essentiel, c’est d’être ouvert et de développer les partenariats (voir ci-dessus).
L’équipe a beaucoup expérimenté pendant 10 ans, au fur et à mesure de la conception du projet, pour tester ses intuitions ; depuis que la bibliothèque est ouverte, elle continue à observer ce qui se passe…Certains espaces devront être réinterrogés (pourquoi tel espace marche moins que tel autre, pourquoi tel espace est plus calme), mais l’équipe veut avant tout regarder les choses dans un continuum, depuis le moment où les gens quittent leur domicile jusqu’au moment où ils rentrent chez eux.
Tous les 15 jours (ou toutes les semaines pour certains services), le personnel se rassemble pour faire le point pendant 1h et balayer l’actualité, et 1 à 2 fois par an il y a une réunion générale pour un vrai point stratégique. Cependant, ils se voient moins qu’en phase projet ; pour communiquer, ils passent par un intranet et utilisent beaucoup les mèls (pendant 15 minutes par jour, les agents DOIVENT lire leurs mèls de communication interne). Tous les agents de la bibliothèque ont obligation de savoir utiliser un smartphone, un ipad, de savoir écrire sur site un internet et utiliser les réseaux sociaux. Ils doivent plus globalement utiliser le numérique, car sinon ils ne peuvent en être les médiateurs. Le smartphone est fourni par la bibliothèque car on ne sait pas toujours où joindre les agents sur un téléphone fixe.
Côté public, l’ancienne bibliothèque proposait plus de postes informatiques, mais moins d’écrans. A DOKK1, les postes informatiques sont utilisés seulement à 50% ; les usagers veulent travailler sur leur propre ordinateur portable. Il y a donc beaucoup de prises électriques. Quant aux écrans, il sservent surtout à la signalétique, sur les murs, les étagères, etc …
Constat est fait que la promotion de leurs ressources numériques est difficile à faire ; notre guide pense que ce n’est pas seulement un problème de communication et qu’il n’est en fait pas possible de faire de la médiation vers les ressources numériques dans une bibliothèque physique. Comme nous, nos collègues d’Aarhus constatent qu’elles sont peu utilisées et même que beaucoup d’usagers en ignorent l’existence.
Le principe est vraiment d’avoir le moins de règles possible. Quelques exceptions : ne pas venir avec des animaux (sauf évidemment les chiens-guides ), ne pas fumer, ne pas être en état d’ébriété et ne pas déranger les autres, ne pas laisser traîner des câbles électriques en travers des circulations. Et sinon on fait ce qu’on veut … et ça marche à peu près !
Les modèles qui ont inspiré l’équipe d’Aarhus sont entre autres la « Library 10 » d’Helsinki et une bibliothèque de Santiago du Chili, dont ils nous disent qu’elle n’est pas très belle mais que « tout le monde y va ». Notre guide pense que les gens viennent en bibliothèque pour leur contenu mais pas nécessairement pour leurs collections, car celles-ci ne sont pas le seul moyen d’apporter des connaissances. Et que cette bibliothèque DOKK1 est faite pour les gens d’Aarhus et pas forcément d’ailleurs. Et qu’elle devra évoluer dans le temps.
La fréquentation est au rendez-vous : DOKK1 touchent 66 % de la population. 1/3 des visiteurs vient une fois par semaine, 1/3 une ou deux fois par mois, 1/3 une fois par an. Depuis notre visite d’octobre 2015, DOKK 1 a accueilli son millionième visiteur moins d’un an après son ouvertute (Aarhus, 2ème ville du Danemark, compte 265 000 habitants.)
Et en 2017, Aarhus est capitale européenne de la Culture…
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