Soul kids
de Hugo Sobelman

À Memphis, une des villes les plus sinistrées des États-Unis, la Stax Music Academy fait figure d’oasis. Cette école de musique permet à des adolescents passionnés d’apprendre l’histoire noire américaine à travers la découverte des plus grands tubes de la soul. Un voyage musical dans le temps et une plongée dans la pensée d’une nouvelle génération.

L’avis du bibliothécaire

Genèse du projet

En 2016, muni d’une caméra, Hugo Sobelman voyage six semaines de Chicago à la Nouvelle-Orléans pour découvrir la musique locale. Rentré à Paris, il montre les images qu’il a réalisées à ses producteurs qui lui proposent de retourner dans le sud des États-Unis avec un chef opérateur et un ingénieur du son. Le cinéaste raconte : « La Stax était une des dernières étapes de ce second voyage, et j’ai tout de suite su qu’il y avait là tout ce que je cherchais. L’idée de la musique qui pense et qui panse, cette idée de la connaissance de soi, qui est très importante dans la communauté afro-américaine, mais aussi les personnages, et mon envie de faire un film choral. L’endroit agrégeait parfaitement les deux grandes thématiques que j’avais en tête depuis le début : la musique et la lutte communautaire noire américaine, des champs de coton au blues en passant par la soul ou les musiques contestataires actuelles comme le rap. La musique y est appréhendée ainsi, comme un vecteur positif et sociétal, une source d’inspiration pour une communauté, et un endroit d’exemplarité. »

Stax Music Academy

Hugo Sobelman revient à Memphis, ville défavorisée mais aussi ville de naissance du blues, de la soul et du rock’n’roll. Il s’immerge dans la Stax Music Academy, côtoyant le bâtiment du légendaire label soul des années 60-70 (Stax Records) devenu aujourd’hui le Stax Museum of American Soul Music. Cette école, créée en 2000, offre gratuitement aux jeunes de la ville un enseignement musical extrascolaire (chant et instruments). Elle leur transmet aussi l’histoire des luttes pour les droits civiques en analysant les chansons célèbres produites par la Stax entre 1958 et 1975 : standards d’Otis Redding, Sam & Dave, Booker T and the MG’s, Isaac Hayes ou Wilson Pickett : Long walk to DC, Docks of the bay, Knock on wood, Soul man, Born under a bad sign, Send peace and harmony home … Cette formation artistique et culturelle les aide également à obtenir une bourse d’études supérieures.

Élevés au gospel dès leur plus jeune âge, ayant ainsi acquis les bases de la musique et de la scène, une bonne partie des jeunes de l’Académie atteint un niveau permettant d’envisager des perspectives professionnelles. De plus, la musique les éloigne de la rue, les fait réfléchir au racisme et éventuellement à la violence caricaturale véhiculée parfois par certains rappeurs.

Musique et justice sociale

Bien que Soul kids soit une œuvre chorale, le cinéaste se concentre rapidement sur deux duos : Johnaton et Trevor, Nykyia et Christina, sans oublier cependant de donner leur scène à Cat, Dorian ou De’Aree. Si la séquence d’ouverture montre quelques vues du quartier entourant la Stax Academy, tout le reste du tournage s’effectue à l’intérieur de ses murs. Le film est d’une facture classique: voix off, ralentis, images d’archives (gospels de Memphis, Mouvement pour les droits civiques). Le montage génère cependant de l’émotion dans la séquence où les jeunes interprètent un morceau avec feeling et où, à l’image, viennent se substituer aux chanteurs, des plans du concert WattStax qui fut, à Los Angeles en 1972, une sorte de Woodstock afro-américain commémorant les violentes émeutes raciales survenues dans le quartier de Watts en 1965. Une magie s’opère alors, comme un passage de témoin entre les militants des années 60 et les jeunes de la génération « Black lives matter ».

Bande-annonce

Rappel

Soul kids – Hugo Sobelman – 2020 – 1h15 min – Production : Gogogo films et Srab films – Distribution : Jour2fête

Jacques Puy