Troisième printemps
de Arnaud de Mezamat

Arnaud de Mezamat a plusieurs films en préparation. Et s’il préfère rester discret sur ses projets en tant que réalisateur, il parle avec enthousiasme de ses prochaines productions via sa société Abacaris Films : un film sur une classe d’intégration d’enfants sourds, un autre sur la question centrale et épineuse de la gestation pour autrui. Nous lui avons demandé de revenir, pour nous, sur son dernier film Troisième printemps.

Photo extraite du film Troisième printemps
Troisième printemps ©Abacaris Films 

La genèse de ce film est une longue histoire. Les images ont été tournées en 1999 et le film terminé en 2016 ! Comme assez souvent, les choses naissent d’autres choses. Le point de départ, est un ensemble de deux films sur la maltraitance, eux-mêmes issus d’un travail sur Françoise Dolto. Ces deux films que j’ai faits avec Elisabeth Coronel et la psychanalyste Claude Halmos m’ont permis de rencontrer une institution magnifique : la pouponnière d’Antony.

Nous sommes allés filmer, en immersion, pendant plusieurs mois, ce lieu emblématique dans sa façon d’aborder le soin apporté aux enfants maltraités ou en carence de soin. Juste après avoir terminé ces films, le lieu a disparu physiquement et je me suis retrouvé avec une centaine d’heures de rushs non utilisés qui racontaient la vie quotidienne de cet endroit magnifique.

J’ai tout de suite eu l’envie de transmettre et de montrer à quel point cette institution qui n’existe plus avait été précurseur, et comment il a été possible de travailler de façon institutionnelle auprès de jeunes enfants, dans cette situation très particulière d’abandon à la naissance ou de maltraitance. C’est un lieu qui n’est pas sans rappeler les grands lieux de la psychothérapie institutionnelle, La Borde, Saint Alban, etc. Faire ce film s’est avéré complexe parce que les images n’avaient pas été tournées pour ce film là mais pour un autre. J’ai fait une première version assez pédagogique en direction des professionnels de la petite enfance et du soin psychique. Ce film, de 70 minutes, a été montré mais je n’en étais pas complètement satisfait. J’ai pensé qu’il y avait matière à faire un film moins explicite, en tous cas qui disait moins les choses, mais les montrait sans commentaire, dans une écriture de cinéma direct. J’ai repris le montage plusieurs fois tout en produisant et réalisant d’autres films. C’est donc très lentement qu’il s’est élaboré pour arriver aujourd’hui à sa forme définitive.

Le film a été montré dans quelques festivals. J’ai été très intéressé de voir comment des adultes découvraient, bien qu’étant souvent parents, un rapport possible à l’enfant qui les étonnait ; un rapport de paroles, de relations, d’attention, de respect et d’écoute, qui finalement les éclairait sur leurs propres rapports à l’enfance, bien au-delà de la question de l’abandon et de la maltraitance. Par ailleurs, le film témoigne d’une prise en charge d’avant-garde qui s’inscrit vraiment dans l’histoire de la relation avec la petite enfance et qui montre comment un travail institutionnel est possible malgré la complexité et toute la difficulté qu’il peut y avoir à le mettre en œuvre. Le public de ce film est composé à la fois de gens qui ont une ouverture à l’enfance, sans être concernés professionnellement, mais aussi de ceux qui réfléchissent à la problématique institutionnelle dans toutes les collectivités d’enfants. Cette variété du spectre est très intéressante et cela montre qu’il y a beaucoup à apprendre de la vie de ce lieu incroyable. 

 

 

Publié le 27/04/2018 - CC BY-SA 4.0

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