La forêt représente encore, aux yeux de tous, un espace naturel vivant, un lieu apaisant et dédié au loisir. Et pourtant, du Limousin au Morvan, des Vosges aux Landes, le film de François-Xavier Drouet dévoile comment les forêts, suscitant l’intérêt des investisseurs, sont de plus en plus exploitées selon le modèle de l’agriculture intensive : mécanisation lourde, monoculture, usage d’engrais et de pesticides. La question posée est celle de l’avenir des forêts françaises.
L’avis de la bibliothécaire
Après des études en sciences sociales, François-Xavier Drouet, se forme à la réalisation de films documentaires. Il vit et travaille sur le plateau de Millevaches depuis une dizaine d’années. C’est en découvrant les forêts de résineux et après avoir vu des espaces immenses rasés et replantés au cordeau qu’il a voulu comprendre ce qu’il en était. En 2017, il réalise Des bois noirs un film sur la gestion productiviste de la forêt du plateau de Millevaches.
Pour ce film Le temps des forêts, le réalisateur parcourt plusieurs régions boisées de France pour recueillir les témoignages de forestiers, de propriétaires, de citoyens résistants, d’agents de l’Office national des forêts (ONF), chacun dans son milieu. Sans ajouter de commentaire, des images de coupes d’arbres par d’énormes engins, d’alignement de résineux alternent avec celles de forêts denses et vibrantes de chants d’oiseaux.
Les conséquences écologiques de l’exploitation intensive
Les images sont parlantes : des paysages dévastés par les coupes rases, l’arrachage des souches par des engins qui saccagent chemins et ruisseaux au passage, des forêts uniformes aux sols nus. Tout ceci provoque un appauvrissement de la terre et par conséquent la disparition de la biodiversité.
L’aspect humain
Deux points de vue s’opposent, d’une part, celui des défenseurs d’une forêt vivante qui prônent une exploitation raisonnée, respectueuse de la nature et, d’autre part, celui des propriétaires qui obéissent à la logique de la mondialisation, des forestiers endettés par des investissements en machines très couteuses qu’ils doivent rentabiliser, des industriels de la transformation du bois.
La souffrance et même le désespoir des agents forestiers publics : 35 d’entre eux se sont suicidés depuis la réorganisation de l’ONF en 2002 qui privilégie la vente du bois aux autres fonctions d’entretien de la forêt.
Des alternatives possibles
Selon les forestiers, les besoins en bois peuvent être satisfaits sans détruire l’éco-système. Des résistances citoyennes s’organisent pour contrer les industriels en achetant des parcelles de forêts. Des forestiers indépendants continuent à travailler selon des méthodes artisanales. Privilégier la production de bois de qualité et les circuits courts sont des solutions à développer.
François-Xavier Drouet sans prendre position, mais par la force des images et la parole des intervenants, montre que, face aux risques de destruction de la biodiversité, d’autres choix sont possibles pour garder à la forêt son âme.
Rappel
Le temps des forêts, de François-Xavier Drouet
2018 – durée 1h43
Production L’Atelier documentaire
Distribution KMBO
Festival de Locarno – Prix de la semaine de la Critique
États généraux du film documentaire de Lussasibl
Publié le 11/09/2018
- CC BY-SA 4.0