La Colline
de Denis Gheerbrant et Lina Tsrimova.

Une colline de déchets au Kirghizistan parcourue par des hommes, des femmes et des enfants qui se confient sur leur destin.

L’avis du bibliothécaire

Genèse de La Colline

En 2021, Denis Gheerbrant réalisait Avant que le ciel n’apparaisse sur un peuple du Caucase, les Tcherkesses, qu’il avait co-écrit avec l’historienne Lina Tsrimova, fille de Rouslan Tsrimov, peintre emblématique de cette ethnie. En 2022, Denis Gheerbrandt retrouve Lina Tsrimova pour co-réaliser son nouveau film, La Colline, consacré à une gigantesque déchetterie située à dix kilomètres de la capitale du Kirghizistan, Bichkek, au cœur de l’Asie centrale.

Lina Tsrimova et Denis Gheerbrant

Lina Tsrimova est née et a grandi en Russie, à Naltchik, ville de Kabardino-Balkarie, puis a obtenu un master en journalisme à Moscou et un doctorat en histoire à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris.

Denis Gheerbrant, diplômé de l’Institut des hautes études cinématographiques (Idhec) qui fut intégré en 1988 à La Fémis (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son), a démarré sa carrière comme chef opérateur. Il a collaboré dans les années 70 à des films du collectif de cinéma militant Cinélutte dont un des membres, Richard Copans, fondateur en 1984 de la société de production audiovisuelle Les Films d’ici, produira presque toutes ses œuvres. Printemps de square, son premier film en tant qu’auteur, date en 1981. Son travail s’inscrit dans la lignée du cinéma direct.

La Colline

Pour La Colline, Denis Gheerbrant filme sans équipe, comme à l’accoutumé. Lina Tsrimova mène les entretiens. Ils partent tous les deux à la rencontre des femmes, des hommes et des enfants qui vivent autour de la montagne de détritus, gagnant leur vie en triant carton, verre, métal, bouteilles plastiques qu’ils revendent au kilo. Ils récoltent leur butin en se positionnant à l’arrière des camions bennes qui déversent leur marchandise ou en arpentant le monticule d’immondices en décomposition, leur gros sac de toile plastifiée à l’épaule.

Un vétéran de la guerre de Tchétchénie, Alexandre, ancien sniper, évoque ses traumatismes et les horreurs de la guerre : « On empalait les femmes et les enfants, je suis juste une machine à tuer ». Il parle aussi d’un combat près de Grozny où il a perdu douze des seize hommes qu’il commandait parce qu’il leur avait permis de retirer leur gilet pare-balles pour se reposer. Il est gitan. Il vit dans la décharge avec sa femme Aliocha. Un jeune homme lit sa poésie aux réalisateurs. Une jeune fille, Djazira, espérait se construire un avenir par les études mais a dû se mettre à travailler pour subvenir aux besoins de son père tombé malade. Kadjikan, femme kirghize âgée de 63 ans ayant perdu cinq de ses enfants, confie se battre pour les trois qui lui restent. La démocratisation du régime leur ayant fait perdre leur emploi dans un kolkhoze où son mari avait travaillé vingt-sept ans et elle, dix-sept, ils ont débarqué en 2002 à Bichkek où son compagnon a fait un AVC. Son fils Keyrat dit qu’elle n’a ni retraite ni pension d’invalidité. Des animaux domestiques leur apportent un peu de réconfort.

Décomposition

Le film alterne entretiens et séquences consacrées à la colline de déchets, mystérieuse et repoussante. Denis Gheerbrant et Lina Tsrimova n’ont passé qu’un mois à filmer, n’ont accumulé qu’une quinzaine d’heures de rushs, mais les habitants du lieu, mis en confiance par l’attention qu’ils leur portaient, ont accepté de s’ouvrir à eux. Ils parlent de l’explosion de l’Union soviétique, de la misère sociale et de la décomposition de ce monde qui rejette des montagnes de détritus et certains de ses habitants.

Jacques Puy

Bande annonce

Rappel

La Colline – Réalisation : Denis Gheerbrant, Lina Tsrimova – 2022 -1 h 17 min – Production et Distribution : Pivonka.

Sélection ACID (Association du cinéma indépendant) au Festival de Cannes 2022.