Appartient au dossier : Les bibliothèques qui venaient du froid : voyage d’étude en Norvège

Réemploi, réutilisation, recyclage : l’approche durable des bibliothèques norvégiennes
par Aurélia Maggiore

En juin 2023, la Bibliothèque publique d’information (Bpi) organisait un voyage d’étude en Norvège. Aurélia Maggiore, des bibliothèques de Rennes, a été impressionnée par l’approche durable des bibliothèques visitées notamment visible dans leur ameublement et leurs aménagements.

Toujours plus verte, la démarche globale des bibliothèques norvégiennes est inspirante.

Au-delà des réflexions traditionnelles et désormais incontournables sur la réduction de l’impact carbone de la Culture, des volontés affirmées de tri des déchets dans nos espaces, de la réduction du suremballage, de la façon de gérer le résultat de nos désherbages, j’ai été particulièrement sensible, au cours de ce voyage d’étude, à l’approche durable des bibliothèques norvégiennes. Cette approche, se concrétise dans le mobilier même comme dans l’aménagement des espaces.

La recherche de durabilité des objets et aménagements peut s’appuyer sur trois dimensions : le réemploi, la réutilisation et le recyclage. Les bibliothèques norvégiennes que nous avons visitées s’appuient sur ces trois leviers.

Le réemploi ou utilisation d’un objet sans modification de son usage initial

Le réemploi permet à tout ce qui n’est pas encore un déchet d’être utilisé sans modification de son usage initial. Cette démarche est bien présente et visible pour les usagers des bibliothèques visitées. Les fauteuils, tables, chaises, disparates et habilement disposés, invitent les lecteurs dans des espaces qui ressemblent énormément à des habitats individuels. Ils forment ainsi des cocons apaisants et propices à la lecture et aux rencontres.

Réemployés, ces meubles sont aussi adaptés et modernisés avec des « petit plus », comme des roulettes qui leur donnent une mobilité astucieuse, des prises centrales encastrées dans de vieilles tables de ferme ou des leds astucieusement insérées dans des étagères.

La réutilisation ou détournement des déchets de leur usage initial

La réutilisation, qui consiste à détourner les déchets de leur usage initial, est omniprésente. Et là, libre cours à l’imagination ! Les bouteilles de gaz deviennent lampadaires, les volets sont transformés en astucieuses séparations d’espaces de lecture, les bidons d’huile en présentoirs à nouveautés, et les tourets pour câbles en banque d’accueil. Et l’on admire toujours le petit détail qui fait la différence : pour une meilleure inclusivité, la hauteur des meubles aisément ajustable et s’adapte aux publics.

Et que dire en franchissant le seuil de la bibliothèque Deichman Tøyen, espace aménagé pour et par les adolescents du quartier. En collaboration avec le groupe de scénaristes Artisan Tech, l’architecte d’intérieur de la bibliothèque, le hollandais Aat Vos, propose des cabines de ski revisitées en espaces de lecture, un flipper en banque d’accueil, un camion comptoir de cuisine…

Le recyclage ou transformation d’un objet pour un nouvel usage

Et vient le temps du recyclage. Le déchet est utilisé pour devenir un nouvel objet. On avance en Norvège, pays de cinq millions d’habitants, un taux de recyclage des bouteilles plastique de 97%. La France, avec péniblement six bouteilles recyclées sur dix, est bien loin.

Or les bibliothèques norvégiennes participent à ces résultats excellents. J’ai ainsi eu la chance d’assister à un atelier de recyclage de plastique, à la Deichman Bjørvika. Une machine permet de mettre en fusion un broyat de déchets. Celui-ci est ensuite injecté dans des moules pour créer de nouvelles pièces : des peignes, des pièces d’échecs, ou encore des règles. Une belle idée de sensibilisation du public !

Le projet de la bibliothèque du futur, Future Library, toujours à la Deichman Bjørvika, nous projette dans un idéalisme de recyclage prospectif à un autre niveau. Au dernier étage de la bibliothèque, un peu à part, cet espace sensoriel, en pavés de bois et de verre, est une alcôve qui interroge la relativité du temps.

Chaque année, depuis sa création, un texte tenu secret est offert, et inséré dans le dispositif, scellé par un bloc de verre transparent et lumineux. En 2114, les cent briques de verre collectées depuis 2014 seront descellées et les écrits accessibles. D’ici là, les écrivains composent pour un public qu’ils ne connaissent pas, un lectorat qui n’existe pas encore. Et le bois de la structure sera transformé au fur et à mesure, recyclé en papier sur lequel seront imprimés ces écrits.

Le projet de la bibliothèque du futur, Future Library, de la bibliothèque Bjørvika, Oslo, Norvège © Bpi

Vous ne trouverez pas facilement le mobilier présenté en vente sur catalogue. Pour ressembler aux bibliothèques norvégiennes, il faudra oser s’approprier l’existant localement pour le réemployer, le réutiliser ou le recycler. Mais quelle source d’inspiration !

Publié le 25/09/2023 - CC BY-SA 4.0

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