Le choix des livres : un vieux sujet de débat
par Véronique Poirier de la Bpi

Retour sur la 68ème édition du congrès de l’ABF qui s’est déroulé à Dunkerque du 8 au 10 juin 2023.

Visuel article sur le congrès de l'ABF 2023
©V. Poirier/Bpi

Le 68 e Congrès de l’ABF était consacré aux collections, sujet qui est au cœur du métier de bibliothécaire et de ma fonction de déléguée à la politique documentaire à la Bpi.
Dunkerque, ville du nord au premier abord moins attractive que d’autres, m’a séduite par son
ambiance maritime et conviviale et Malo-les-Bains au soleil de juin valait bien la Côte d’Azur !

Voici les conférences et tables de discussion auxquelles j’ai assisté, rassemblant des intervenants venus de différentes villes et de divers types de bibliothèques :

  • La Poldoc : Comment ça fonctionne et comment ça s’organise (table ronde)
  • Un patrimoine commun, oui mais qui fait quoi ? (table ronde)
  • De la subjectivité à l’objectivité, construire son choix sans autocensure ni censure (atelier)
  • La répartition des espaces : pour quels services et quelles collections ? (table ronde)
  • Les outils de communication de la politique documentaire (atelier)
  • Les collections : c’est moi, c’est mon choix ? Pas si sûr… (table ronde)

A l’occasion de ce congrès, les collections de nos bibliothèques ont pu être évoquées dans toute leur diversité, sous toutes leurs formes (physiques, numériques) et tous leurs aspects (patrimoniales ou pas), de la constitution à la gestion, du catalogue au plan de classement, de la sélection à l’usage et au désherbage.

J’ai été intéressée par la variété des points de vue, chaque directeur percevant le contexte et les problématiques à partir de sa propre situation. La politique documentaire est comprise différemment d’un établissement à l’autre, selon qu’il s’agit d’une bibliothèque de quartier, d’une municipale, d’une territoriale, d’une patrimoniale ou encore d’une bibliothèque universitaire ou de la bibliothèque nationale.

Il y a autant de politiques documentaires que de bibliothèques, ce sont des politiques relatives à un bassin de population, à des moyens budgétaires et humains. La poldoc peut être centralisée au sein d’un réseau ou au contraire différenciée d’un site à l’autre.

Des questions récurrentes ont été discutées dans toutes ces interventions, en particulier le choix des documents qui est un vieux sujet de débat : quid de l’objectivité, de la neutralité, de l’indépendance des bibliothécaires chargés d’acquisitions ? Quel est le poids de la production éditoriale et des meilleures ventes dans la composition d’une offre documentaire qui ne peut viser à l’exhaustivité et se doit d’être diversifiée et pluraliste ? Dans quelle mesure les usagers et leurs besoins interviennent-ils dans la sélection des livres ?

Voici quelques éléments de réponse glanés au fil des interventions :

Face à une offre éditoriale de plus en plus abondante que ne peuvent suivre ni les budgets des bibliothèques publiques ni les espaces disponibles pour y mettre des rayonnages, acquérir c’est de plus en plus élire et sélectionner, autrement dit c’est renoncer à d’autres achats.

En matière de sélection des documents, tout le monde s’accorde à dire que l’on ne peut pas atteindre l’objectivité. « La sélection sera toujours le choix d’un titre et ce choix restera le fruit d’une subjectivité individuelle. » explique Jérôme Pouchol, qui ajoute pour exemple que, malgré l’obligation de neutralité, « les collections des BM correspondent au profil de la classe moyenne des bibliothécaires ».

Comment garantir la diversité et le pluralisme des collections prônés par la Loi Robert du 21 juin 2021 ?

Afin de réduire la part de subjectivité individuelle dans le choix du bibliothécaire, certaines bibliothèques de lecture publique locales, dont le champ n’est pas trop large et les usages bien définis, permettent à leurs utilisateurs d’intervenir dans le choix des acquisitions. Le problème peut également être contourné grâce à l’externalisation : des achats par offices sous-traités à un libraire. Cela constitue néanmoins une menace pour la profession ; d’autres bibliothèques ont mis en place des acquisitions en équipe ou des collectifs qui éditent des listes d’acquisitions.

Dans les grosses bibliothèques desservant un public large et divers, une politique documentaire formalisée est une nécessité : en posant un cadre, un périmètre de collection et en fixant des critères, elle garantit la diversité et le pluralisme de la collection. En tant qu’outil de rationalisation et de centralisation, de relais et de transmission, elle donne des orientations à une collection considérée globalement et permet, grâce à une distanciation critique par rapport aux enjeux actuels, de garantir neutralité et pluralisme. A travers les fiches domaine, elle cadre et guide l’acquéreur. Néanmoins, aussi précises que soient ces fiches, elles ne peuvent remplacer le bibliothécaire car chaque titre est unique et doit être confronté aux critères inscrits dans la charte

Véronique Poirier, Déléguée à la politique documentaire à la Bibliothèque publique d’information.

Photo plage de Malo les Bains
©V.Poirier/Bpi
Photo du palais du Kursaal
©V.Poirier/Bpi
Photo stand Bpi congrès ABF
©V.Poirier/Bpi

Publié le 04/12/2023 - CC BY-SA 4.0

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