Appartient au dossier : Congrès IFLA 2022

À l’IFLA, des bibliothèques écoresponsables ?
par Guillaume Gast

Après deux ans d’interruption liés à la crise du Covid, le 87ème Congrès annuel de la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA) s’est tenu à Dublin du 26 au 29 juillet 2022.

La session inaugurale a été marquée par un discours remarqué de Mme Mary Robinson. L’ancienne présidente d’Irlande a rappelé avec force combien le changement climatique est un enjeu majeur et que le rôle des bibliothèques est a minima d’en parler. En inscrivant cette problématique dans leurs objectifs stratégiques, dans leurs bâtiments, dans leur gestion et dans leurs actions quotidiennes, les bibliothèques peuvent porter ce sujet sur la place publique. 

Photographie de la façade du centre des congrès de Dublin éclairé en vert
© G. Gast

La responsabilité environnementale des bibliothèques au cœur du nouveau manifeste IFLA/UNESCO

Autre temps fort de ce congrès, la présentation de la nouvelle version du Manifeste IFLA/UNESCO sur la bibliothèque publique 2022 proclame que « les bibliothèques contribuent à garantir que les droits à l’éducation et à la participation aux sociétés du savoir et à la vie culturelle de la communauté soient accessibles au plus grand nombre. » Il s’agit d’un outil puissant pour la défense et la promotion des bibliothèques dans le monde. Or, le Manifeste insiste justement sur le rôle que les bibliothèques peuvent jouer dans la promotion des Objectifs de Développement Durable (ODD). Ce rappel dans ce texte de référence oblige la profession dans son ensemble.

Éco-responsabilité des bâtiments : entre réhabilitation et innovation architecturale

Concernant la construction des bâtiments, la session 139 « Quelque chose d’ancien – quelque chose de nouveau : transformation d’un bâtiment existant en une nouvelle bibliothèque » a permis de souligner que la réhabilitation est la meilleure chose à faire d’un point de vue du développement durable :  c’est ce qui coûte le moins d’énergie et souvent le moins de matière première. 

Cependant, la bibliothèque est aussi un type de bâtiment public qui se prête bien à l’expérimentation architecturale : la forme servant ainsi la fonction de promotion et d’éducation aux ODD. À ce titre, des choix architecturaux audacieux et novateurs pour une bibliothèque peuvent être un manifeste en soi des intentions éco responsables d’une collectivité. 

Une questionnement nécessaire pour des établissements culturels plus résilients

Les grandes bases de données culturelles ont un impact environnemental. Cela a été rappelé lors de la session 93 « Comment les collections des bibliothèques peuvent-elles soutenir l’adaptation et la résilience au climat ? ». L’action du Climate heritage network, qui cherche à mettre le pouvoir des arts, de la culture et du patrimoine au service de l’action climatique, a permis d’insister sur la responsabilité des institutions culturelles dans ce domaine. 

Mais les efforts sur la gestion des établissements ont surtout été mis en avant à l’occasion de la remise du Prix de la bibliothèque verte de l’IFLA à la Médiathèque de la Canopée à Paris. Ce prix récompense la démarche, les tests et les solutions proposées sur toutes les étapes de gestion d’un bâtiment de lecture publique. Il illustre bien le moment où nous sommes, celui des essais et de la recherche pour aller vers une gestion plus durable de nos établissements. 

Les bibliothèques, actrices d’un monde plus soutenable

Enfin, la session 80 sur les bibliothèques de lecture publique a permis de souligner à quel point  l’action publique locale doit encourager la croissance économique tout en répondant aux enjeux sociaux, en prenant en compte la crise environnementale et en promouvant la culture. Ce sont là les quatre piliers qui permettront d’atteindre les ODD. Les bibliothèques sont un lieu adéquat pour la diffusion des savoirs et de l’information sur les pratiques et les questions environnementales en direction du grand public. Le besoin d’un dialogue entre élus et bibliothécaires est dès lors patent parce que les bibliothèques sont une réponse opérationnelle à plusieurs ODD. Cependant cette réponse n’est possible que si la culture est une composante majeure des politiques locales éco responsables. 

Pour faire face à la crise sanitaire, la crise sociale et la crise écologique, les pouvoirs publics ont besoin de relais afin de porter des politiques de transformation. Je suis entré dans la profession au tournant du vingt et unième siècle au moment où la diffusion massive du numérique révolutionnait l’accès à l’information et, dans la foulée, le modèle historique des bibliothèques. Aujourd’hui, pour ouvrir une nouvelle voie fondée sur les ODD, les bibliothèques doivent continuer leurs transformations : cela doit se voir dans l’architecture audacieuse des bâtiments, la gestion renouvelée des établissements et l’offre documentaire et de services pertinents. Finalement c’est bien ce lieu, en tant qu’espace de rencontres, de ressources et de recherche de solutions collectives, qui doit être au cœur du projet politique de la bibliothèque éco responsable. Alors que les crises s’enchaînent et qu’elles poussent à réinterroger les modèles de fonctionnement classiques, c’est un cap stratégique fort qui est affirmé à l’IFLA.

Guillaume Gast est conservateur en chef des Bibliothèques et responsable de la Médiathèque Nord de l’Eurométropole de Strasbourg.

Publié le 22/09/2022 - CC BY-SA 4.0

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