Appartient au dossier : Des bibliothèques pour le XXIe siècle ? Voyage d’étude en Belgique et aux Pays-Bas en octobre 2018

La mise en espace et en valeur des collections « books on the walls, people on the floor »
par Juliette Lenoir, Bibliothèques de Nancy

Nous avons visité successivement une bibliothèque belge flamande (bibliothèque publique centrale de Gand), quatre bibliothèques hollandaises (bibliothèque publique DOK de Delft et bibliothèque publique centrale OBA d’Amsterdam, suivie de deux de ses annexes), puis une bibliothèque universitaire française (BU de sciences LILLIAD de Lille). 
Ces visites ont révélé de grandes différences dans le rapport des bibliothèques aux collections, tant dans leur sélection que dans leur scénographie dans l’espace : la Belgique se rapproche des pratiques françaises, tandis que les Pays-Bas ont une démarche très différente.

Octobre 2018 en Belgique flamande, en Hollande et… en France

 À Gand

En Belgique flamande, la bibliothèque de Gand a beaucoup de points communs avec une bibliothèque française : collections nombreuses et multisupports (papier et CD), attention portée au catalogue, valorisation des documents, notamment en exploitant les données de prêt.
 
 

Vue inérieure de la bibliothèque de Gand
À De Krook, © Jean-Michel Jung

Ainsi il est manifeste que l’établissement est conçu comme un lieu d’accès aux contenus. L’espace réservé aux collections est central, aux deux sens du terme. La distribution des salles se fait selon les collections : jeunesse, adolescents, adultes documentaires, fiction et musique, périodiques. Dans chaque espace des mobiliers spécifiques de valorisation permettent de proposer des documents en « facing » ou de mettre en avant les nouveautés.
 
Le catalogue et ses données de prêt a été exploité pour les enfants et pour les adultes, pour développer des applications de suggestions : pour les enfants en utilisant des champs de catalogage spéciaux (thèmes etc.), pour les adultes à partir de profils d’emprunteurs basés sur les historiques.

À Delft et Amsterdam

Aux Pays-Bas au contraire l’approche documentaire apparaît à la fois comme plus traditionnelle et plus distancée. Tout d’abord, à Delft comme à Amsterdam, à l’OBA comme dans ses annexes il n’y a que des documents papier, ni CD ni DVD, et pas de mise en valeur particulière de collections en ligne, ni d’ailleurs des postes informatiques pour le public.
 
 
 
 

Plongée sur les rayonnages de l'OBA
Rayonnages de l’OBA, © Jean-Michel Jung

Ensuite les bibliothèques sont organisées autour de leur cafétéria : à l’OBA centrale, un bar surplombe l’entrée, et le dernier étage est consacré à la restauration, avec vue sur la ville et les canaux. Dans la première annexe visitée le bar est le premier service visible dès l’entrée, et les bibliothécaires ont suivi des formations de barista. Dans l’autre annexe il y a des kitchenettes dans toutes les salles. A Delft la vaste caféteria occupe l’espace principal en bas, et est doublée à l’étage. Les lecteurs sont invités à venir faire les cuisiniers bénévoles.
Cet accent mis sur la convivialité s’illustre aussi dans les choix de mobilier, qui conjuguent les équipements spécifiques et des meubles de brocante plus chaleureux.

 De la lumière avant toute chose
 

Enfin le discours de Martin Berendse, directeur de l’OBA d’Amsterdam, sur la disposition des collections est à contrecourant des codes de la modernité dans les bibliothèques : « books on the walls, people on the floor ».
En effet, l’évolution de la répartition des espaces dans l’histoire des bibliothèques montre que les livres sont justement passés des murs au sol.
Les bibliothèques historiques rangeaient les livres dans de hautes bibliothèques disposées le long des murs (bibliothèque Mazarine par exemple), à tel point que certaines renonçaient aux fenêtres pour gagner de la place, comme dans un musée ou un supermarché (salle Labrousse par exemple), recourant à un éclairage surélevé ou zénithal.
Dans les bibliothèques récentes au contraire l’attention portée à la lumière naturelle est primordiale, ainsi qu’aux perspectives intérieures, incitant les architectes à créer des volumes hypermodulables (plateaux, mezzanines) et très vitrés (Lilliad en est un exemple). Pour aménager ces modèles les collections sont disposées sur des rayonnages bas et le public autour, près des fenêtres, dans des fauteuils ou à des tables.
En effet, l’évolution de la répartition des espaces dans l’histoire des bibliothèques montre que les livres sont justement passés des murs au sol.

 Les livres au centre de l’espace

Dès lors la remarque de M. Berendse est curieuse, d’autant qu’elle fait partie d’un discours de modernité, pour décrire un équipement qui revendique son avant-gardisme.
Notre visite nous aura permis de noter d’une part que les livres sont malgré tout souvent disposés sur des bibliothèques en milieu d’espace, et le public près des fenêtres. D’autre part que l’installation récente de rayonnages plus haut empêchant la vue en perspective intérieure est discutée par une partie au moins du personnel, l’un des bibliothécaires présent nous ayant explicitement exprimé son désaccord : selon lui le découpage des volumes rend difficile la surveillance du public.

Vue intérieure de l'OBA
OBA, © Jean-Michel Jung

Publié le 06/12/2018 - CC BY-SA 4.0

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