La Reading Room de Rotterdam : portrait d’une structure atypique
par Nathalie Gerbault

Lees Zaal Lees : trois mots colorés accolés à la façade d’un immeuble qui poussent à la curiosité. La devanture est alléchante, l’intérieur nous le confirme : livres, affiches, décoration chaleureuse et arty, présentoirs et étagères rangés au carré (à faire pâlir les plus chevronnés d’entre nous), tables, fauteuils et chaises confortables, comptoir pour le thé et le café… Le lieu accueille les lecteurs de toutes origines sociales et culturelles : ici, tout le monde est chez soi, tout le monde est bienvenu.

Le projet de Lees Zaal Lees est né il y a une dizaine d’années, à la suite de la fermeture de plusieurs bibliothèques dans un quartier populaire de Rotterdam. Les habitants, en véritables militants, œuvrent alors pour la création de cet endroit hybride, qui récupère les ouvrages désherbés, dons des associations ou organisations de la ville, héritages patrimoniaux ou simplement collections de généreux donateurs qui ont compris le sens du fameux « the more you take, the less you have » de maitre Oogway (Kung Fu Panda).

Loin de nos placards poussiéreux où s’entassent nos livres désherbés qui attendent le pilon, le Lees Zaal Lees s’est donné pour vocation de sublimer ces retraités des bibliothèques, ces « too good to go » qui ont encore bien des histoires à raconter. L’incroyable particularité de Lees Zaal Lees, c’est ce concept de boîte à livre géante : tout est gratuit.

Une vingtaine de bénévoles se relaient pour assurer les permanences, et encourager toutes les initiatives. C’est que Lees Zaal Lees n’est pas seulement cette bulle magique, loin de toute considération mercantile, c’est aussi un laboratoire culturel, un lieu ouvert à toute expression artistique favorisant le partage et la transmission.

Il existe quelques anecdotes sur certains visiteurs, camés de mots et chasseurs de trésors : certains d’entre eux avaient pris l’habitude de récupérer des livres et d’aller les revendre aux bouquinistes du coin. Qu’à cela ne tienne, les bénévoles sont allés à leur rencontre pour expliquer leur démarche. Des tampons « gratuit » sont désormais apposés sur les pages de titre des ouvrages pour permettre aux bouquinistes de repérer d’un coup d’œil l’origine du livre et d’en refuser l’achat. Face à ces comportements, des solutions simples sont toujours trouvées, avec une place privilégiée pour le dialogue, la bienveillance et le respect. Un bel exemple qui pousse à l’admiration et à un réel enthousiasme.

Nathalie Gerbault coordonne le réseau des bibliothèques de la Communauté de Communes des Bertranges dans le cadre d’un Contrat Territoire Lecture soutenu par la DRAC Bourgogne Franche Comté et la Bibliothèque Départementale de la Nièvre. Elle a bénéficié d’une bourse conjointe du Cfibd et de la Bpi pour assister au congrès de l’IFLA 2023.