Le Grand Bal
de Laetitia Carton

Sortie en salles le mercredi 31 octobre 2018

L’évocation d’un grand bal pourrait renvoyer à des images, à une époque, à des lieux qui semblent ne plus exister. Et pourtant, le film de Laetitia Carton, en venant raviver une petite lumière éteinte, plonge dans une réalité bien vivante. Ici la danse emporte, libère et donne du sens à des corps souvent happés par les tourbillons du quotidien.  
 

Le Grand Bal de Laetitia Carton
Le Grand Bal © Pyramide Films 

L’Avis de la bibliothécaire

Depuis 29 ans, plus de 2000 personnes se retrouvent chaque été dans l’Allier pendant 7 jours et 8 nuits. Ils viennent là, partager le plaisir de la danse, apprendre en journée les pas provenant de différents coins d’Europe qu’ils pratiqueront le soir venu sous des chapiteaux dressés pour l’occasion. Un huis clos intense où des gens très différents se rencontrent, réunis par ce besoin de légèreté et de communion autour de danses traditionnelles.
Tourné le temps d’un été par deux équipes, l’une de jour, l’autre de nuit, le film immerge le spectateur dans l’ambiance de ce Grand Bal de l’Europe. Si la danse est bien sûr l’axe central du film, la caméra s’invite aussi auprès des festivaliers pour recueillir les confidences et capter tous ces temps passés hors des pistes. Le campement endormi, un canapé sur lequel des corps fatigués viennent se poser un peu, la tendresse, les rencontres… Tous ces plans, ces paroles, font respirer le film et donnent davantage de puissance encore aux scènes de danse. Polka, mazurka, scottich, convient alors au voyage.

Rythmes et cadences

Un accordéon, un violon, des musiciens debout au milieu de la piste, assis sur l’estrade, dehors, à l’intérieur, en son off : la musique est partout, vivante et vibrante, émouvante et prenante. Se forment une ronde, une danse où seul l’instant présent compte. C’est peut-être ce qu’il y a de plus fort dans ce film, le lien que la réalisatrice parvient à tisser entre ce qui se passe à l’écran et les spectateurs, nous qui vivons presque toujours dans le reflux du passé ou dans l’appréhension du futur. La danse pour s’ancrer, ensemble, la danse pour se détacher des contraintes, même si il n’est pas simple de se défaire totalement du poids social, à l’instar de ces femmes, la cinquantaine passée, qui confient ne pas toujours êtres invitées ou d’autres, plus jeunes, qui parlent de ces gestes inappropriés qu’elles ont parfois subis.
Les gens ne sont pas tous là pour les mêmes raisons et ce sont ces différences qui font aussi la richesse de l’événement. Il y a ceux qui voudraient tout apprendre, celles qui dansent toute la nuit, ceux qui prolongent la danse par la fête jusqu’au petit matin. Il y a des vieux, des jeunes, des garçons qui dansent avec des garçons, des filles qui dansent avec des filles, des timides, des esseulés. Il y a la fatigue qu’il faut dépasser, l’enthousiasme qui maintient debout alors que les jours et les nuit passent. Il y a lassitude et regain, et la danse qui finit toujours pas l’emporter.

Une œuvre se dessine

La voix de Laetitia Carton, élément fragile et terriblement humain, vient se poser délicatement et apporter une autre dimension au film. Elle saupoudre les échos de son histoire, de son propre parcours et de son expérience du bal dans cette région où elle grandit et vit toujours. Ce va-et-vient entre l’intime et l’universel habitait déjà ses précédents films, La Pieuvre dans lequel elle racontait la maladie qui décime sa famille,J’avancerai vers toi avec les yeux d’un sourd où elle partait de sa propre rencontre avec le monde des sourds, Edmond, un portrait de Baudoin dans lequel son admiration pour le dessinateur servait de fil conducteur. Chacun de ses films révèle la poésie que le cinéma documentaire sait engendrer.
Dans Le Grand Bal, L’image soignée parvient à saisir plus encore que les mouvements, quelque chose d’imprenable. Laetitia Carton filme un état d’esprit, une ambiance, une sorte d’odeur, qui n’apparait pas à l’image et qui pourtant vient inonder le film. Cette cinéaste sensible, parvient à la façon d’une onde qui transmet le mouvement, à donner envie de plonger à son tour dans la ronde. Il y a le moment du film et ce qu’il peut prolonger en nous, à l’image de l’émotion ressentie devant cette danse circassienne, grand corps mouvant qui donne l’impression d’un cœur collectif qui bat enfin à l’unisson.

À noter : une version sous-titrée en français est disponible, sous réserve d’une réservation 24h à l’avance,  dans tous les cinémas qui projettent le film ; l’audiodescription devrait aussi être possible dans certaines salles.

Rappel :

Le Grand Bal de Laetitia Carton
2018- 1h40 min- Production : Jean-Marie Gigon, SaNoSi Productions
Distribué en salles par Pyramide FilmsLe Grand Bal de Laetitia Carton
2018- 1h40 min- Production : Jean-Marie Gigon, SaNoSi Productions
Distribué en salles par Pyramide Films

Le Grand Bal de Laetitia Carton de SaNoSi Productions sur Vimeo

Publié le 26/10/2018 - CC BY-SA 4.0

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