Le Point G de la Bibliothèque municipale de Lyon
par les élèves-conservateurs de l'Enssib Périg Bouju, Chrystèle Galland-Mabic, Marie Morillon, Patrick Odent-Allet et Louis Tisserand

La Bibliothèque municipale de Lyon est la plus grande bibliothèque municipale de France ; elle comprend 16 sites et un bibliobus, compte plus de 3,8 millions de documents, assure le dépôt légal régional relatif aux imprimés de la région Rhône-Alpes.

Les 27 446 m² de la bibliothèque de la Part Dieu, vaisseau amiral du réseau, abritent autour de son emblématique silo de conservation le centre de ressources sur le genre, le Point G, sous-titré « identités, sexualités, mémoire gay et lesbienne ». Il se situe au deuxième étage, dans la salle accueillant les collections du département « Civilisation ». Il est localisé près des tables de travail des usagers et de la banque d’accueil du département.

La responsable du centre est Sylvie Tomolillo, « anthropologue spécialiste des rapports sociaux de sexe et de la variabilité culturelle du genre ».

Outre son emplacement physique, le Point G dispose de pages web propres, présentant son histoire, et une partie de ses collections. On peut également accéder à l’intégralité de ses fonds, par une requête sur le catalogue de la bibliothèque, et consulter des bibliographies thématiques.

Photographie du logo du point G posé sur une étagère de livres
© Périg Bouju

Une particularité dans le paysage des bibliothèques françaises

Le Point G est assez atypique dans le paysage des bibliothèques françaises. Jusqu’à sa création en 2005, aucune institution n’avait en France la charge de l’archivage et de la conservation d’une documentation se rapportant à l’homosexualité et aux identités de genre ; s’il y eut certes plusieurs tentatives de création de grands centres de recherche et d’archivage sur les questions LGBTQI+, aucune ne s’est inscrite dans la durée.

C’est dans un contexte général d’invisibilisation des questions LGBTQI+, faute de soutiens institutionnels forts, que le Point G vit le jour. Dès l’origine, il eut pour objectif de « rassembler un ensemble documentaire ciblé sur les questions d’identité de genre et d’orientation sexuelle » et vient s’ajouter ainsi à d’autres centres comparables existant dans le monde, comme à Amsterdam, à Bologne et à San Francisco. Il remplit une mission essentielle dans la visibilité des questions LGBTQI+, au côté d’autres lieux qui, fruits d’initiatives personnelles et du militantisme, recueillent de la documentation LGBT, comme le centre LGBTI+ de Lyon, lequel gère sa propre bibliothèque et une section archives.

Un fonds riche en constante évolution 

Les ressources du centre relèvent en fait de trois fonds documentaires :

  • Les documents traitant de la question du genre déjà présents dans les collections de la BML. Sur les thématiques du genre et de la sexualité, il faut compter également avec les documents du fonds général. Les acquisitions couvrant les thématiques sont partagées entre la responsable du Point G et les acquéreurs de secteurs (sociologie, anthropologie…). Une ventilation entre les différents secteurs de la bibliothèque s’opère après concertation entre les acquéreurs ;
  • Les nouvelles acquisitions sur ces thématiques, avec un budget d’acquisition pour le centre d’environ 3600 euros par an ;
  • Les fonds d’archives (notamment celles collectées, données ou issues du fonds Michel Chomarat, déposé en 1992).

Les éditeurs généralistes (Denoël, R. Laffont, Gallimard, Plon) renvoient le plus souvent à des contenus tournés vers le grand public, du type récits de vie, témoignages, ouvrages pratiques, représentés essentiellement dans les documents classés sous les thématiques « Santé », « Famille » ou « Répression ». A titre d’exemples, on peut citer Act Up : une histoire, de Didier Lestrade (Denoël, 2017) ou Sale pédé : pour en finir avec le harcèlement et l’homophobie à l’école, de Jasmin Roy (Éditions de l’Homme, 2016).

Un présentoir accueille les derniers numéros de périodiques traitant de ces questions, aussi bien des titres « grand public », comme Causette ou 360°, que des revues scientifiques telles Journal of Lesbian and Gay Studies, Journal of History of Sexuality.

Le rayonnage mural du Point G accueille une partie seulement des fonds : entre 650 et 700 documents, essentiellement des monographies de type essais, ouvrages sociologiques, historiques, politiques, ouvrages de références, dictionnaires (comme le Dictionnaires des cultures gays et lesbiennes, PUG, 2003). Les éditions universitaires, en français et plus rarement en anglais (Armand Colin, Presses universitaires de France, Dalloz, Routldege, Presses universitaires de l’Illinois) représentent 70 à 75% du fonds. Le reste des documents se trouve dans le fonds général, ou dans le silo ; ils sont identifiables et localisables via le catalogue.

Enfin, les archives du Point G s’enrichissent par les dons des usagers : livres, manuscrits, documents militants ou associatifs, documents isolés ou ensembles constitués sont les bienvenus au centre, qui en garantit la conservation et le libre accès.

© Périg Bouju

Le fonds Chomarat

En 1992, la BML a accueilli en dépôt la collection de Michel Chomarat, personnalité active de la scène lyonnaise, à la fois collectionneur, militant et homme politique. Sa collection est depuis son arrivée en perpétuel accroissement. A ce jour, elle compte environ 70 000 documents, 30 000 ayant déjà été catalogués par le bibliothécaire personnel de Michel Chomarat.

Le fonds Chomarat est consultable sur place à la Part-Dieu, selon les mêmes modalités que le fonds ancien. Il porte sur les sujets d’intérêt du collectionneur : la littérature grise et éphémère, la ville de Lyon, la musique et le théâtre, mais aussi Nostradamus ou encore la Franc-Maçonnerie. Une partie de cette collection est consacrée aux questions LGBTQI+ ; environ 6 000 ouvrages au moins du fonds ont ainsi été identifiés.

Une valorisation qui se poursuit

A l’automne 2018, la bibliothèque municipale de Lyon et l’Université Lumière Lyon 2 se sont concertées en vue de créer un outil commun aux deux établissements destiné à valoriser des collections et des compétences spécialisées sur les questions de genre. Cette volonté politique partait du constat que les deux établissements conservaient des collections patrimoniales dignes d’intérêt, et une valorisation mutualisée viendrait créer une nouvelle dynamique sur le territoire. Ce projet porte ainsi une ambition patrimoniale (valoriser des ressources), académique (offrir un meilleur accès à la documentation pour la recherche et la formation), et politique (donner une identité documentaire au territoire lyonnais, favoriser des politiques inclusives).

Cette plateforme commune permettrait entre autres une interrogation croisée des collections du Point G, et des collections de l’Université Lyon 2, qui accueille plusieurs masters interdisciplinaires sur le genre ainsi que le fonds du centre Louise Labbé, héritier du Centre lyonnais d’études féministes (CLEF). Le catalogue d’interrogation commune devrait être enrichi de services variés, comme une offre de questions/réponses, une veille thématique, un agenda culturel et scientifique, permettant de réunir les communautés respectives des deux établissements– lecture publique d’un côté, public académique de l’autre. Cette plateforme a également pour vocation de s’ouvrir à d’autres partenaires, comme les Archives départementales du Rhône et de la métropole de Lyon qui conservent une partie des archives du fonds Louise Labbé. Il était en outre envisagé, de la volonté du directeur de la BML, d’étendre cette collaboration aux associations présentes à Lyon, en premier lieu le centre LGBTI+, voire le planning familial du Rhône qui dispose lui aussi d’un centre de ressources. La plateforme pourra enfin offrir un annuaire des acteurs du genre sur le territoire, comme la bibliothèque universitaire Éducation Lyon Croix-Rousse (Université Lyon 1), qui abrite l’important fonds Aspasie. Ce projet de plateforme commune a fait l’objet d’un travail de réflexion et de préfiguration confié par les deux établissements à une équipe de conservateurs stagiaires réunis de janvier à juin 2020, dans le cadre de leur formation à l’Enssib.

Publié le 15/06/2021 - CC BY-SA 4.0

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