Les bibliothèques péruviennes, les services numériques et la crise sanitaire
par Roxana Huaman Huriarte, directrice adjointe de la bibliothèque de l'Association culturelle péruvienne-britannique

Cette année est une année spéciale pour le Pérou. Cela fait 200 ans que nous sommes une République et malgré l’urgence sanitaire qui frappe le monde, les activités pour la célébration de notre Bicentenaire ne s’arrêtent pas. De plus cette année, la Bibliothèque nationale du Pérou (BNP) fête également son bicentenaire car elle a été créée un mois seulement après la déclaration de notre indépendance. 
La BNP est si significative qu’en pleine crise sanitaire et économique causée par la COVID, la Bibliothèque nationale du Pérou renouvelle son engagement envers la citoyenneté en offrant des services virtuels qui, en plus d’être innovants, parviennent à créer un rapprochement réel avec les citoyens.

Toutefois, la situation est différente pour la grande majorité des bibliothèques publiques du pays. Avant la pandémie, la situation de celles-ci était plutôt désolante, surtout dans celles qui appartiennent à des municipalités en raison du peu d’intérêt et de budget qu’elles recevaient de leurs autorités.
Avec une infrastructure physique et technologique déficiente, des collections bibliographiques obsolètes et la menace constante d’une éventuelle fermeture en raison de coupes budgétaires, ces bibliothèques publiques nageaient à contre-courant pour continuer à s’occuper de leurs usagers et à servir de points d’accès à l’information, d’espaces pour la rencontre sociale et les expressions culturelles.

Aujourd’hui, après un an d’urgence sanitaire, la situation est vraiment critique car les carences deviennent encore plus fortes et évidentes. La fermeture des bibliothèques pendant des mois dans tout le pays a entraîné la suppression de l’un des services publics les plus accessibles, démocratiques et gratuits dont disposaient les Péruviens, les plus touchés étant ceux des zones reculées où l’État n’a pas pu assurer les services de base.
Au cours des derniers mois, les bibliothèques ont lentement commencé à se réactiver. Là où le budget ne permet pas de gérer de grands services numériques, les services traditionnels en face-à-face fonctionnent de nouveau avec les protocoles sanitaires nécessaires.

En contrepartie, l’utilisation des réseaux sociaux pour générer et partager des contenus pour leurs utilisateurs, a permis de dépasser les frontières de la localité et d’atteindre plus d’utilisateurs que nous n’aurions jamais pu atteindre avant la crise. D’une certaine manière, les bibliothèques travaillent pour jouer un rôle actif et proche de leur communauté, être la lumière dans la nuit que nous a apporté la COVID-19.
Au Pérou, il existe également d’autres types de bibliothèques publiques : des bibliothèques appartenant à des institutions privées d’origine étrangère qui s’orientent généralement vers l’enseignement des langues où elles offrent des services de bibliothèque de qualité qui représentent le meilleur outil d’apprentissage de la langue et diffusent également les cultures de leurs pays.

Parmi les plus reconnues figurent l’Alliance française, l’Institut culturel péruvien nord-américain, l’Institut Goethe, le Centre culturel Brésil-Pérou et l’Association culturelle péruvienne britannique. Les bibliothèques de ces institutions ont également souffert de l’impact de la pandémie et travaillent à renouveler leurs services dans ce nouveau contexte.

La British Library, de l’Association culturelle péruvienne britannique, est un excellent exemple de la façon dont elle a adapté ses services au numérique avec des options innovantes et attrayantes. En plus d’être caractérisée par une infrastructure moderne, une collection physique bibliographique actuelle et un programme d’activités culturelles accessibles gratuitement à tous avant la pandémie, elle offre désormais ses services numériques à toute la communauté : revues numériques, bases de données académiques et une bibliothèque numérique avec accès à plus de 17 000 ebooks et audiobooks.
Le défi n’a pas été moindre. Dans un contexte de crise sociale, où s’ajoute la crise économique engendrée par la pandémie, miser sur la mise en place de nouvelles plateformes numériques n’a pas été facile à gérer.
Cependant, les résultats sont encourageants et la communauté des lecteurs a de nombreux bénéfices : accès à la lecture 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 de n’importe où en un seul clic. le nouveau défi est maintenant d’initier les utilisateurs aux nouvelles technologies. Bien qu’il y ait encore un grand nombre de personnes qui préfèrent le livre physique à l’ebook, l’accompagnement de la bibliothèque dans cet apprentissage est essentiel. Dans ce processus de migration du physique vers le numérique, le succès consiste à considérer l’expérience du lecteur, ses intérêts, ses manières de lire et d’apprendre, c’est-à-dire qu’il faut partir d’une relation empathique avec les utilisateurs.

Nous parviendrons ainsi à concevoir les meilleures stratégies pour diffuser les nouveaux services, former à leur utilisation et surtout, donner les outils nécessaires pour discerner entre des informations fiables et des fakenews qui sont aussi une grande menace de nos jours.

Cette expérience s’ajoute à tous les efforts que de nombreuses bibliothèques péruviennes sont amenées à faire. Toutefois, les bibliothèques municipales et communales, entre autres, qui, avec le peu de ressources dont elles disposent, continuent de travailler avec créativité et motivation pour atteindre plus de Péruviens, ont tout le mérite, en offrant des contenus et des services qui permettent et garantissent la construction d’une citoyenneté informée, équitable et fière de son multiculturalisme.

Texte traduit par Camille Delaune, Responsable des médiathèques à l’Alliance Française de Lima