L’œil et la lettre, le défi de l’inclusion et de l’accessibilité à la médiathèque José Cabanis
par Laurence Damiani, chargée de collections et médiations Autoformation à la Bpi

Laurence Damiani, du service Autoformation de la Bpi, présente le pôle « L’œil et la lettre » de la bibliothèque Cabanis à Toulouse, découvert dans le cadre de nos échanges entre professionnel·les.

Photographie d'une banque d'accueil avec derrière des bannières sur l'histoire du braille
© Bpi

L’accessibilité au cœur du projet de la médiathèque José Cabanis

Dès l’ouverture de la médiathèque en 2004, le pôle « L’œil et la lettre » est consacré à l’accueil des personnes déficientes visuelles, l’accessibilité étant l’une des priorités de la direction. Un fonds important de livres en braille lui est alors confié puis la collection est enrichie par des livres audio et ouvrages en gros caractères. Un équipement informatique spécifique est également installé. Le pôle s’ouvre ensuite aux sourds et malentendants avec un fonds sur la culture sourde, des documents sur la LSF et d’apprentissage de la langue ainsi que des films sous-titrés.

Depuis, ses missions se sont élargies pour répondre aux besoins liés à d’autres types de handicap : personnes à mobilité réduite, personnes souffrant de troubles DYS et troubles mentaux y trouvent leur place eux aussi. D’ailleurs, ponctuellement, un petit groupe de personnes en situation de handicap mental, accompagné d’un soignant de l’hôpital, se réunit dans un espace-salon pendant plusieurs séances pour écrire ensemble un journal.

Une équipe investie dans sa mission

Cette volonté de permettre à tout un chacun d’avoir accès à la médiathèque est mise en œuvre par une équipe de cinq personnes fortes de leur expérience personnelle et/ou professionnelle liée au handicap. La cheffe de service donne le ton : sans être elle-même en situation de handicap, elle pratique le sport en fauteuil roulant.

Autour d’elle, un bibliothécaire est chargé de la veille sur les innovations de toutes sortes pour le public déficient visuel comme le dispositif permettant l’identification des documents de la médiathèque via la technologie de la RFID ou la toute première tablette graphique accessible. Ce bibliothécaire initie aussi des usagers déficients visuels au numérique.

Un autre bibliothécaire est chargé du fonds sourd et des animations. À ce sujet connaissez-vous Média’ Pi, un site géré par des professionnels sourds (journalistes, monteurs vidéo, chroniqueurs…) pour le public sourd ? Celui-ci fournit l’actualité, des reportages, des articles en LSF sous format vidéo.

Une médiatrice culturelle, elle, anime, entre autres, des ateliers multi-sensoriels, et est responsable des applications pour les DYS, du fonds large vision ainsi que de l’envoi du braille vers la France entière.  

Enfin, n’oublions pas l’implication de la cheffe du service de l’action culturelle qui collabore régulièrement avec l’équipe.

Des partenaires également mobilisés

Au-delà de ce pôle, c’est un ensemble de dispositifs d’accessibilité qui fait de la médiathèque un lieu inclusif, notamment les animations attractives mises en place par l’action culturelle. La programmation pour tous est foisonnante comme le chansigne (chant en LSF) et les contes signés, les contes dans le noir, les conférences, les films en audiodescription, les visites d’expositions adaptées guidées pour ne citer que quelques unes des animations proposées. Le bilan de l’action culturelle est tout à fait significatif : le public en situation de handicap est au rendez-vous, même le public sourd, réputé difficile à atteindre.

C’est donc toute une médiathèque qui se mobilise. Prêter une attention particulière à ces publics, identifier leurs besoins pour offrir un usage égalitaire pour tous, tel est son savoir-faire. Une médiathèque entourée, bien sûr, de partenaires.

En effet l’accessibilité débute dans les rues de Toulouse où le cheminement vers la médiathèque est facilité grâce à une balise avec fichiers audios MP3 mise à la disposition des déficients visuels par la municipalité. La ville de Toulouse propose aussi plusieurs services accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. Sur l’initiative de la médiathèque, la Ville a ainsi mis en place le premier service de téléphonie pour malentendants. Gratuit et confidentiel, ce service leur offre la possibilité de communiquer facilement avec les administrations, leur famille ou leurs amis. Lors des 6 premiers mois d’exploitation, les 150 heures d’appels ont été atteintes ! Le service Toulouse Guichet aussi est équipé d’un écran qui leur permet de se connecter à un interprète pour communiquer sur un sujet précis avec un agent de la bibliothèque.

Citons encore l’implication d’acteurs locaux tels que l’Institut des jeunes aveugles, la bibliothèque Valentin Haüy, Éole et les Donneurs de Voix, les associations de sourds ou encore les Souffleurs d’images qui sont parties prenantes pour relever le défi de l’inclusion.

Présentation du service de téléphonie pour malentendants

C’est grâce à cet effort collectif que ce projet d’une bibliothèque inclusive et accessible est viable sur le long terme. C’est un ensemble d’interactions entre individus et collectif qui permet de repousser les limites du possible. Les dispositifs d’accessibilité pertinents mis en place à la médiathèque J. Cabanis sont le fruit d’une collaboration où se mêlent le partage de savoir-faire, de pratiques, de compétences et d’apports financiers qui multiplient ainsi les chances de relever le défi de l’inclusion.

Enfin, saluons l’ensemble des vingt et une bibliothèques du réseau de la métropole toulousaine qui partagent toutes, dans leur quartier, cet objectif commun de la bibliothèque pour tous : même la bibliothèque nomade est accessible ! Les personnes à mobilité réduite peuvent en effet pénétrer dans l’antre du bibliobus grâce à une plateforme élévatrice. Pour couronner le tout, la Bibliothèque de Toulouse est agréée dans le cadre de la loi Exception Handicap qui prévoit une exception au droit d’auteur autorisant l’adaptation des œuvres afin de favoriser leur accès pour les personnes en situation de handicap.

Focus sur le jeu en libre-accès et notamment les échecs
Photographie du puzzle laissé à disposition sur une table
Partout dans la médiathèque le jeu est présent, on ne l’emprunte pas : on joue sur place ! Des tables sont dédiées au scrabble et moult jeux de sociétés pour petits et grands. Même le puzzle a sa place, collaboratif,  un(e) usager(e) commence, l’autre poursuit et ainsi de suite, puisqu’il n’est pas rangé en fin de journée… Et s’il y en a un qu’il faut féliciter, c’est bien le jeu d’échec : un joueur s’installe, un deuxième arrive, ils ne se connaissent pas, ne parlent peut-être pas la même langue mais n’ont pas besoin de mots pour se comprendre : le jeu fait le job. Le jeu permet de se rapprocher, de se rencontrer et parfois de s’apprécier… C’est un vrai vecteur de sociabilité ! En plus de remporter un franc succès, les manuels pour apprendre à y jouer sont très empruntés. À mettre entre toutes les mains !

Publié le 02/01/2023 - CC BY-SA 4.0

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