Récit d’une parenthèse professionnelle au Cambodge
Une bibliothécaire, Céline Vidal, part pendant 6 mois à la rencontre des enfants et des bibliothécaires en "mobile library"

Je suis bibliothécaire, chargée des animations et des publics à la médiathèque Pierresvives,  (Médiathèque départementale de l’Hérault). J’ai découvert le Cambodge en 2011 et j’y suis retournée régulièrement depuis, notamment à Kampot.
De décembre 2017 à avril 2018, j’ai obtenu une disponibilité de 5 mois pour convenances personnelles afin de m’impliquer en tant que volontaire dans des ONG en lien avec la lecture et les bibliothèques. Pour partager cette belle parenthèse professionnelle avec mes proches et mes collègues j’ai tenu un blog nommé bibliotuktuk.
Voici un petit bout de cette histoire. 

Présence massive des ONG

 
Enormément d’Organisations Non Gouvernementales (ONG) sont implantées au Cambodge.
En 1979, après le génocide des Khmers rouges le pays entier est à reconstruire et l’aide humanitaire afflue. L’élite intellectuelle, les enseignants et les professeurs ont été décimés, le système éducatif aussi est à rebâtir.  De nombreuses ONG s’investissent alors dans le domaine de l’éducation : aide à la construction et au fonctionnement d’écoles, enseignement des langues étrangères, création de bibliothèques dans les écoles, de bibliothèques mobiles avec achat ou dons de livres.
 
Au Cambodge, il n’y a pas véritablement de bibliothèque publique. À Phnom Penh, la Bibliothèque Nationale du Cambodge accueille depuis 6 ans dans son jardin le salon du livre « Cambodia Book Fair » avec un succès croissant mais l’établissement situé dans un bâtiment colonial reste désuet et n’a pas évolué pour offrir de nouveaux usages au public. Certaines écoles, universités et centres culturels possèdent leur propre bibliothèque. C’est le cas de l‘Institut Français de Phnom Penh dotée d’une agréable médiathèque s’adressant principalement un public de francophones et d’expatriés.

Carte du Cambodge

 En 2016 à Kampot, un professeur khmer m’a invité à venir dans son école afin d’intervenir dans ses classes d’anglais et m’a parlé de l’ONG pour laquelle il travaillait : Buddhist Library Cambodia Project
En me rendant dans les locaux de l’ONG je pensais trouver une bibliothèque mais j’ai découvert une « mobile library » : van équipé de caisses de livres, de jeux, de nattes de tables et de tabourets, peint aux couleurs de l’ONG. Buddhist Library Cambodia Project

Cette  « mobile Library »  sillonne la province de Kampot et s’arrête dans des écoles primaires (148 classes soit 2700 élèves) pour de la lecture sur place et parfois du prêt de livres.
Pour ma première « tournée », j’avais amené un livre pop-up de Philippe UG Le jardin des papillons.
J’ai rapidement constaté que ce livre attirait l’attention et suscitait l’émerveillement car les enfants n’avaient jamais vu de livres pop-up. Son avantage : il n’est pas indispensable de lire le texte, l’histoire peut être comprise au fil des pages qui s’animent.
Comme je ne parle pas khmer et que les élèves commençaient juste à apprendre l’anglais, ce livre m’a permis d’entrer plus facilement en contact avec eux.

Enfants autour du livre de P. UG
Autour du livre de Philippe UG, © Céline Vidal

C’est ainsi qu’a germé l’idée d’une implication de plus longue durée au sein de cette ONG.
Quand j’y suis retournée en décembre 2017 j’ai donc été chaleureusement accueillie par Monsieur Nuon Chanthol, le nouveau bibliothécaire que j’ai régulièrement accompagné lors des tournées de la « mobile library » jusqu’à mon départ en avril 2018.

Munie de nouveaux albums sans textes, d’autres pop-up dont ABC3D et AOZ de Marion Bataille  et de livres khmer traduits en anglais (éditions Comics art, Mango tree) j’ai pu lire et jouer avec les enfants. Grâce à des albums de différents niveaux avec traduction anglaise sur la même page, j’ai réussi à lire avec des groupes d’enfants d’âges variés allant de 6 à 14 ans. J’ai eu beaucoup de plaisir à partager ces moments-là avec les enfants et le bibliothécaire, très enthousiastes  et accueillants.
La lecture à voix haute est spontanée chez les enfants dès qu’ils ont un livre entre les mains. Aussi, cela a été naturel de faire lire un ou plusieurs enfants en khmer et ensuite de lire à mon tour en anglais. ABC3D et AOZ de Marion Bataille  et de livres khmer traduits en anglais (éditions Comics art, Mango tree) j’ai pu lire et jouer avec les enfants. Grâce à des albums de différents niveaux avec traduction anglaise sur la même page, j’ai réussi à lire avec des groupes d’enfants d’âges variés allant de 6 à 14 ans. J’ai eu beaucoup de plaisir à partager ces moments-là avec les enfants et le bibliothécaire, très enthousiastes  et accueillants.

Ecole primaire Cham de Pray Thnang. Lecture d’albums.
Ecole primaire de Cham de Pray Thnang, © Céline Vidal
Céline Vidal lisant un album aux enfants de l'école
Lecture d’album avec les enfants de l’école Cham de Pray Thnang

La spécificité de SIPAR 

 
Sipar est une ONG française créée en 1982 pour accueillir les réfugiés cambodgiens en France. Elle mène ses premières actions au Cambodge en enseignant le français dans les camps de réfugiés en Thaïlande puis s’implante au Cambodge en 1991.
Sa mission principale est le développement de la lecture et la lutte contre l’illettrisme.
J’ai rencontré ses membres actifs et leur ai exposé mon projet de partage d’expériences autour de la lecture. Lors de mon  dernier séjour au Cambodge, nous avons convenu que j’accompagnerai trois collègues expérimentés lors d’une tournée en « mobile library » dans deux villages des environs de Phnom Penh. L’objectif était d’observer le travail mené avec les enfants par le bibliothécaire, l’assistante bibliothécaire et la responsable des activités pédagogiques puis de faire éventuellement des propositions d’amélioration. Lors de notre « débriefing »  mes observations étaient toutes très positives, j’ai souligné la qualité et la pertinence du travail effectué par l’équipe. Par la suite j’ai approfondi plusieurs idées : permettre aux enfants de partager leurs lectures, valoriser les livres et les coups de cœur des bibliothécaires et nous avons organisé une journée de formation avec l’équipe de SIPAR (15 bibliothécaires le matin et 3 bibliothécaires formateurs l’après-midi).

Journée de formation avec les bibliothécaires
Journée de formation avec les bibliothécaires, siège de SIPAR à Phnom Penh, © Céline Vidal

Cela a été très enrichissant car chacun a pu s’exprimer individuellement et travailler également en groupe de manière participative pour concrétiser plusieurs idées à tester ensuite en «mobile library».
Ces temps de rencontres et d’échanges avec les enfants et les bibliothécaires ont été riches et instructifs tant sur le plan professionnel qu’humain. J’ai pu mesurer sur le terrain tout l’enjeu que représentent la lecture et l’éducation pour ces jeunes générations dans un pays en plein essor, face à des changements sociétaux profonds.
 
 
 
 

Publié le 28/06/2018 - CC BY-SA 4.0

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