Robert-Desnos à Montreuil : nouveau look pour une nouvelle bibliothèque

Pris entre la mairie de Montreuil et la station de métro éponyme, le square Patriarche pourrait être le fameux « petit jardin qui sentait bon le Métropolitain » chanté par Jacques Dutronc. Heureusement, point de promoteur immobilier cette fois-ci ou de fleurs de béton mais plutôt la fin de vingt-et-un mois de travaux pour rénover les 3 500 m² de la bibliothèque Robert-Desnos qui occupe le centre de cet écrin de verdure urbaine. Plus qu’une rénovation, c’est un réaménagement complet des espaces auquel a eu droit la bibliothèque centrale du réseau montreuillois. Ainsi, si elle a perdu son enseigne rouge pour une forme plus épurée, les grandes verrières qui font communiquer le square et les espaces de la bibliothèque sont, elles, toujours là mais plus efficaces en termes d’isolation thermique.

Gagner de l’espace

Une fois n’est pas coutume, commençons par un petit tour des espaces internes. En récupérant un ancien logement de fonction, le réaménagement a notamment permis de réaffecter des mètres carrés pour y installer les bureaux des équipes, des ateliers et des espaces de stockage. Surtout, comme l’indique Fabrice Chambon, directeur des bibliothèques de Montreuil, ce sont aussi les usagers qui en profitent, puisque cela a permis de gagner 300 m² pour les espaces de collections de la bibliothèque.

Cris et chuchotements

Autre changement d’importance, l’espace discothèque est passé à l’étage et est devenu totalement modulable. Les meubles de 40 000 CD peuvent se déplacer aussi facilement que les flight cases d’un groupe de musique en tournée. Il faut dire qu’un certain nombre de musiciens devraient se succéder dans la nouvelle salle baptisée Electric Ladyland. Ce studio de musique propose un clavier, des guitares et une batterie, ainsi que des instruments de musique en prêt. Surtout, des ateliers intitulés « Apprends trois accords et forme ton groupe » sont proposés aux usagers : tout un programme qui montre combien la bibliothèque souhaite participer elle aussi au dynamisme de la scène musicale montreuilloise.

À défaut de composer le futur tube musical, certains veulent pouvoir travailler à plusieurs, quitte à faire un peu de bruit, tandis que d’autres veulent le calme le plus complet. Paradoxe éternel des bibliothèques que cette cohabitation, parfois tendue, entre l’étude silencieuse et le travail collectif déjà visible dans le documentaire malicieusement intitulé Chut! (réalisé par Alain Guillon et Philippe Worms) consacré aux bibliothèques de Montreuil. Désormais, le travail en groupe est possible sans gêner les oreilles délicates grâce à des carrels, inspirés de ceux proposés en bibliothèques universitaires, réservables à l’avance. 

Si elle peut également servir de salle de travail en groupe, puisqu’elle est modulable, la nouvelle salle numérique permet surtout de proposer des ateliers numériques à n’importe quel moment de la journée, et non plus seulement quand la bibliothèque est fermée comme auparavant.

Tous ces nouveaux aménagements permettent ainsi d’améliorer l’offre de services que la bibliothèque propose à ses usagers. Et pour les emmener dans les différents espaces, la signalétique a également été revue avec un code couleur établi pour chacun des espaces.

Côté cheminée, côté jardin

Traversons, d’ailleurs, le hall pour nous diriger vers le bleu de l’espace jeunesse.

En entrant, les parents de jeunes enfants peuvent désormais garer leur poussette dans le parking dédié, bien appréciable. Autour de l’escalier qui descend vers l’espace des  tout-petits se déploient une dizaine d’ordinateurs fièrement dressés sur le meuble conçu par un artisan local. Au bas de l’escalier, l’espace peut s’adapter pour lire et conter dans les meilleures conditions au gré des saisons : contes d’automne et d’hiver au coin du feu devant la grande cheminée, prête à reprendre du service, et contes de printemps et d’été à lire dans le petit espace extérieur où des assises pourront prendre place.

De l’animation, encore de l’animation, toujours de l’animation

De la place pour les animations et expositions il y en a encore plus. Comme d’autres, Fabrice Chambon insiste sur l’importance des animations et de l’événementiel. Ici comme ailleurs, cela permet d’attirer les regards sur la bibliothèque, de la faire vivre, tout en maintenant un travail d’éducation populaire de terrain auquel toute l’équipe est attachée. De fait, en dix ans, le budget consacré à la programmation culturelle de la bibliothèque a été multiplié par trois. 

Là aussi, les travaux ont permis de doter l’établissement d’équipements plus adaptés et plus confortables à gérer pour les équipes. La salle Boris Vian n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était et permet à l’équipe de disposer d’un espace de scène équipé, couplé à une régie fixe, sans compter bien sûr la place pour accueillir près d’une centaine de personnes. Tandis que les bibliothécaires se font régisseurs, tout ce matériel professionnel donne au directeur des idées de mise à disposition de l’espace pour des compagnies locales : imaginer une sorte de résidence pour des acteurs de la scène culturelle montreuilloise à qui prêter l’espace. Il s’agit aussi de faire de cet espace un lieu partagé, qui n’est plus seulement géré par les bibliothécaires mais mis en commun avec les artistes locaux pour que la bibliothèque soit, une fois encore, identifiée dans le paysage montreuillois et puisse, à terme, accueillir des spectacles créés dans ses propres murs.

Mais en matière d’espaces d’animation, le plus grand changement est visible dès le seuil de la bibliothèque. La discothèque étant désormais à l’étage, tout l’espace libéré vient prolonger celui du hall qui continue de servir pour les expositions et offre un nouvel endroit pour organiser des rencontres. Un espace scénique peut être aménagé et équipé et le public peut s’installer (jusqu’à 300 personnes debout lorsqu’il n’y a pas d’expositions).

Question confort, mais aussi convivialité de ces futurs temps de rencontres, tout a été prévu avec notamment une petite buvette, ingénieusement dissimulée derrière un panneau amovible.

Gageons qu’elle aura beaucoup de succès et permettra au public des futures animations d’étancher leur soif autant que leur appétit de connaissances. A son comptoir pourront sans aucun doute s’improviser des discussions comme autant de passerelles entre toutes les populations d’une incroyable diversité sur le territoire de Montreuil : artistes, bobos, classes populaires, allophones, migrants… La nouvelle bibliothèque Robert Desnos est à leur image : accueillante, bigarrée, festive, ouverte à tous les horizons.