Appartient au dossier : Voyage d’étude à Barcelone, octobre 2016

Un living lab, pour faire participer les habitants et changer l’image de la bibliothèque : bibliothèque Miquel Batllori de Volperres à Sant Cugat des Vallès
par Marine Bedel, directrice de la bibliothèque de Rennes-Métropole et Christophe Evans, Bpi

« Les living labs sont des environnements dédiés à l’innovation, orientés utilisateurs (« user-driven innovation environnements »), dans lesquels les usagers et les producteurs co-participent à la création d’innovations dans un espace bienveillant dont l’écosystème est ouvert et qui rend possible la rencontre entre les aspects économiques et sociétaux des innovations. »
Citizen Driven innovation, World Bank and ENoLL (European network of living labs), 2015    

 

​Au sein de l’une des deux bibliothèques de quartier de la ville de Sant Cugat (88 000 hab.) ouverte en avril 2015 a été créé un « living lab », autrement nommé L3 (: Library Living Lab).
L’initiative en revient à l’association des habitants de ce quartier composé majoritairement de familles avec enfants, d’un niveau culturel et économique moyen ou élevé. Ces « voisins » de la future bibliothèque se sont réunis avec les professionnels de la commune et de la Députation et avec des représentants du laboratoire d’intelligence artificielle de l’Université et du « Centre de la vision par ordinateur » de l’université autonome de Barcelone également implantés dans le quartier ; pendant les deux ans précédant l’ouverture de la bibliothèque, ils se sont réunis tous les 2 à 3 mois, pour apprendre à se connaître, puis définir les grandes lignes et ensuite les modalités de mise en œuvre du living lab. Un avantage appréciable et rare : ce groupe a été associé à la conception architecturale et au choix des aménagements et équipements technologiques.

Living lab, Sant Cugat

 
Les objectifs définis pour le projet sont triples :

  • changer l’image traditionnelle de la bibliothèque en lui donnant un axe fort de participation des habitants et en y faisant entrer la technologie en train de s’inventer,
  • mener des recherches en psychologie sociale, sciences de l’information,  connaissance du cerveau, imagerie en proposant des expériences de lecture / écriture reliées à des dispositifs techniques,
  • développer « l’empowerment », faire prendre conscience à chaque personne qu’elle peut changer quelque chose à son environnement et à sa vie, notamment par sa participation aux processus de la recherche.Le living lab est un lieu d’expérimentation universitaire : des prototypes ou des dispositifs expérimentaux sont testés par des « vrais gens », la transformation des activités de lecture ou d’écriture par la technologie est observée et analysée. Mais c’est aussi un lieu pour apprendre et faire ensemble : le but n’est pas de venir apprendre d’un spécialiste à utiliser une imprimante 3D, mais de faire se rencontrer des expertises et des savoirs différents. Cette dimension de création collaborative change la vision de la bibliothèque pour les « voisins » ; le living lab facilite cette évolution d’image alors même que le reste de la bibliothèque demeure très classique dans son offre et son agencement. En bref, la bibliothèque comme un lieu des savoirs déjà élaborés et des savoirs en train de se construire.

 
Concrètement, le living lab est installé dans une salle dédiée, bien visible dès l’entrée, meublée de tables et chaises pour des ateliers en formations diverses et dotée de nombreux équipements (ordinateurs, tablettes, imprimante 3D, écran de grande taille, vidéo projecteur, sans compter les dispositifs ponctuels installés pour certains projets). Les activités proposées peuvent concerner les enfants et adolescents ou l’ensemble du public quel que soit son âge : test de nouvelles applications éducatives, visite virtuelle de musée, fabrication 3D, dispositifs de réalité augmentée, de lecture intelligente ou de captation de mouvements, heure du conte numérique, … En une année de fonctionnement, près de 1 200 personnes ont participé à 16 séances sur des prototypes, 2 débats, 43 ateliers réguliers, 2 hackatons, … Grâce à cela, les chercheurs et développeurs identifient des besoins, explorent des solutions, évaluent leurs propositions, proposent de nouvelles solutions (un exemple parmi d’autres : une étude menée pour développer le jugement esthétique des ordinateurs). Pour la bibliothèque, les objectifs sont issus du plan défini en 2014 par la « Gerencia de serveis de biblioteques » (l’équivalent de nos bibliothèques départementales), qui vise notamment à renforcer l’interaction entre les collections physiques et numériques, développer le rôle des bibliothèques dans les secteurs de l’entreprenariat et de la recherche d’emploi, proposer de nouveaux services, en particulier sur outils nomades, faire des bibliothèques des lieux de rencontre entre les habitants. Parmi les dispositifs testés, on peut citer une étagère de mise en valeur virtuelle, un travail sur l’exploration des collections patrimoniales numérisées, de l’édition augmentée, de la prise de note numérisée …
 
Le living lab de Sant Cugat appartient au « réseau européen des livings labs », qui définit ces lieux comme des environnements d’innovation économique et sociale, où les utilisateurs et les producteurs créent ensemble, dans un écosystème de confiance et ouvert, où le citoyen n’est pas simplement dirigé mais où il participe aux transformations sociales. Le living lab fait sortir la recherche -développement des laboratoires et la fait entrer dans le monde réel, pour une invention collaborative de nouveaux services. L’implantation au sein d’une bibliothèque contribue à donner cette confiance mutuelle. Les principaux mots-clés de ces démarches sont participation, innovation, citoyenneté, société, personnes et technologies. L’ensemble crée de nouveaux espaces, de nouveaux fonctionnements, de nouvelles dynamiques.

Deux projets menés à bien au sein du L3 :

  • « Visiter le musée » : visites virtuelles de musées organisées à partir de la bibliothèque grâce à des images numériques de haute résolution et avec la collaboration d’Europeana. Les participants pouvaient visiter virtuellement des musées du monde entier, les œuvres étant commentées et analysées (« zoomées ») en groupe avec l’aide d’un conférencier spécialisé.
  • « Je suis mon propre dessin », nouveaux paradigmes pour raconter une histoire : des enfants (préadolescents) étaient invités à participer à un atelier au cours duquel on leur proposait dans un premier temps de dessiner des personnages chimériques, dans un second temps de construire un story board pour raconter une histoire, dans un troisième temps d’animer leurs personnages via la technologie « Kinect » et à l’aide de leur propre corps, pour enfin projeter leurs personnages animés sur l’écran géant du living lab. Il faut noter que les moins de 18 ans représentent un peu plus de 40% des publics participant aux activités réalisées au sein du L3.     

Publié le 12/12/2016

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